Alimentation : prévention primaire
Les recherches menées ces dernières années ont permis d'identifier des facteurs alimentaires susceptibles d'intervenir dans le développement de certains cancers. S’il n’existe pas d'aliments "anticancer", certains peuvent diminuer le risque de survenue de la maladie, ou au contraire l’augmenter.
En France, le nombre de nouveaux cas de cancer pouvant être prévenus par une alimentation en lien avec les recommandations s’élève à 19 000 pour une année.
Les facteurs alimentaires qui augmentent le risque de cancers
Les facteurs pour lesquels les liens avec certains cancers sont avérés sont principalement la consommation de boissons alcoolisées, le surpoids et l'obésité et l'excès de viandes rouges ou de charcuteries.
La consommation de viandes rouges et de charcuteries
Elle constitue un facteur de risque pour le cancer du côlon et du rectum. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé la consommation de viandes transformées (dont la charcuterie) comme cancérogène pour l’homme (Groupe 1) et la consommation de viandes rouges comme probablement cancérogène (Groupe 2a).
Les viandes définies comme « viandes rouges » dans les études épidémiologiques correspondent à l’ensemble des viandes de boucherie (hors volaille) : bœuf, porc, veau, agneau, mouton et autres types (cheval, chèvre).
La consommation de viandes et de charcuteries contribue à près de 5 600 nouveaux cas de cancer colorectal en 2015 (1,6 % de l’ensemble des cas de cancer).
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation du risque de cancer colorectal associée à la consommation de viandes et de charcuteries : production de composés N-nitrosés cancérogènes ; production de radicaux libres et de cytokines pro-inflammatoires liés à un excès de fer héminique ; apports de sels nitrités par certaines charcuteries ; production d’amines hétérocycliques (AHC) ou d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), liée à la cuisson à forte température.
Recommandations
Il est recommandé de limiter la consommation de viandes rouges à moins de 500 g par semaine (1 steak pèse entre 100 et 150 g), de privilégier la volaille et d'alterner avec poissons, œufs et légumes secs, et de limiter la consommation de charcuteries à moins de 150 g par semaine.
Les compléments alimentaires à base de bêtacarotène
Les résultats des méta-analyses confirment une augmentation de risque de cancer du poumon associée à une supplémentation en compléments alimentaires à base de bêtacarotène à forte dose (>20 mg par jour de bêtacarotène), en particulier chez les fumeurs et les ex-fumeurs, avec un niveau de preuve « convaincant ».
A forte dose, le bêtacarotène aurait un effet co-cancérogène en augmentant l’activation de pro-cancérogènes du tabac en molécules cancérogènes via l’activation des enzymes de phase I du métabolisme des xénobiotiques, telles que les cytochromes P450. De plus, le bêtacarotène exercerait un effet pro-oxydant car l’activation de ces enzymes s’accompagne de la production de radicaux libres.
La consommation de compléments alimentaires à base de bêtacarotène est donc non seulement inutile pour la prévention des cancers mais elle constitue un facteur de risque, en particulier chez les fumeurs. Sauf cas particuliers et sous contrôle médical, elle n’est pas recommandée. Les besoins nutritionnels peuvent être satisfaits à travers un régime alimentaire équilibré.
A noter : la consommation de compléments alimentaires a augmenté en France. Elle concerne 29 % des adultes et 19 % des enfants.
Découvrez les aliments qui représentent des facteurs de risque de cancer grâce à notre animation interactive.
Les facteurs alimentaires qui diminuent le risque de cancers
La consommation d'aliments d'origine végétale et riches en fibres
Ces aliments comprennent à la fois les aliments céréaliers complets et les légumes secs, mais aussi les fruits et les légumes.
Elle est associée à une diminution du risque de cancer colorectal. De même, elle est associée à la réduction du risque de surcharge pondérale, facteur directement associé au risque de 14 localisations de cancer. Une alimentation riche en fibres peut exercer divers effets : réduction de l’hyperinsulinisme, de l’insulinorésistance, des concentrations d’hormones stéroïdiennes circulantes, du temps de transit intestinal, de l’exposition du côlon aux cancérogènes présents dans la lumière colique. Au niveau colique, sous l’action du microbiote, les fibres sont aussi à l’origine de la production d’acides gras à chaîne courte dotés de propriétés anti-inflammatoires et antiprolifératives.
Leurs consommations sont inférieures aux recommandations en France pour la majorité de la population.
Recommandations
Il est recommandé de consommer au moins 2 fois par semaine des légumes secs (lentilles, haricots rouges, pois chiches…), au moins un féculent complet par jour (pain complet, riz complet, pâtes complètes…) et au moins 5 fruits et légumes par jour, par exemple 3 portions de légumes et 2 fruits.
Point sur la consommation de fruits et de légumes
Elle exerce un effet protecteur sur les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS : œsophage, cavité buccale, larynx et pharynx), de l'estomac, du poumon (pour les fruits seulement) et sur le cancer colorectal.
Ces aliments apportent également des micronutriments (vitamines, minéraux) et des microconstituants nombreux et variés (glucosinolates, flavonoïdes, molécules soufrées…) qui peuvent influencer la cancérogenèse en exerçant des activités antioxydantes ou antiprolifératives, en modulant le métabolisme des xénobiotiques, la concentration des hormones stéroïdiennes et le métabolisme hormonal, ou en stimulant le système immunitaire. Certains sont également une source de vitamine B9 (folates) qui jouent un rôle important dans la synthèse et la méthylation de l’ADN, ainsi que dans l’expression de gènes impliqués dans la cancérogenèse.
Point sur la consommation de produits laitiers
L’examen des études disponibles permet de conclure à une diminution du risque de cancer colorectal avec la consommation de produits laitiers. Les produits à base de lait riches en graisses (beurre, crème) ou en sucre (glace, crèmes desserts) ne sont pas inclus.
Le calcium pourrait expliquer en partie l'effet potentiellement protecteur des produits laitiers sur le risque de cancer colorectal. En particulier, le calcium régule négativement la production de l'hormone parathyroïde, qui peut intervenir dans la multiplication cellulaire.
Les bactéries lactiques contenues dans certains produits laitiers pourraient également expliquer l’effet protecteur sur le cancer colorectal.
Découvrez les aliments qui sont reconnus comme facteurs protecteurs de cancer grâce à notre animation interactive.
Les liens alimentation-cancers qui restent à éclaircir
Le rôle de certains facteurs alimentaires dans l'augmentation ou la diminution de survenue de certains cancers reste encore à confirmer ou à infirmer.
Il s'agit notamment :
- du risque lié à la consommation des aliments préparés par des méthodes de cuisson à haute température (grillade, barbecue...), en particulier des viandes et des poissons. Plusieurs études soulignent une association avec le cancer de l'estomac mais les données actuelles ne permettent pas de conclure ;
- de l’effet de l’alimentation bio : fin octobre 2018, une étude française, NutriNet-Santé, rapportait une association significative entre consommation régulière d’aliments issus de l’agriculture biologique et diminution du risque de cancer (tous types de cancers confondus). Cependant, les preuves ne sont pas encore suffisantes pour parler de lien de causalité : l’association entre alimentation biologique et risque de cancer doit être confirmée par d’autres recherches. Par ailleurs, aucune étude rigoureuse ne permet d'avancer que les fruits et légumes issus de procédés de production classiques augmenteraient le risque de cancer. Les études montrant les effets protecteurs des fruits et légumes et des produits céréaliers ont été menées sur des populations mangeant des produits de l’alimentation conventionnelle et/ou biologique ;
- du rôle des phyto-œstrogènes (essentiellement apportés par le soja) vis-à-vis de divers cancers ;
- du risque lié à la consommation d'acides gras, en particulier les trans ;
- du risque lié à la vitamine D dans l'organisme. Celle-ci est apportée pour les deux tiers par des expositions courtes au soleil et pour un tiers par les apports alimentaires. Il a été montré qu'en plus de son rôle bien connu dans la minéralisation osseuse, la vitamine D était impliquée dans de nombreux processus cellulaires extra-osseux, dont la différenciation et la prolifération cellulaire. Une association entre la vitamine D (d’après des études portant sur l’apport alimentaire, la supplémentation ou le taux plasmatique) et une diminution du risque de cancer colorectal est suggérée mais reste à confirmer. Concernant le cancer du sein, les données sont contradictoires et doivent être réévaluées dans leur ensemble. Il apparaît donc nécessaire de poursuivre les recherches sur les liens possibles entre vitamine D et cancers ;
- de l’effet du café : bien que sa consommation ait été associée à une diminution du risque de cancers du foie et de l’endomètre, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes d’action et ses modes de consommation (type de café et de préparation, volume consommé…).
Le rôle des professionnels de santé : guider vos patients vers de bons choix alimentaires
Commencer à faire le point sur les habitudes alimentaires de vos patients pour repérer les éléments positifs à renforcer et les erreurs à modifier, tout en tenant compte de ses goûts et de ses contraintes. En plus de l’informer sur les bonnes pratiques à avoir, il est important de l’accompagner dans son changement et de faire un suivi régulier. De nombreux outils sont proposés aux professionnels de santé (fabrique à menus, affiches des recommandations, suivi de l’IMC, Nutriscore…).
Documents à télécharger
- Agir pour sa santé contre les risques de cancer - PDF 766,02 ko
- Jeûne, régimes restrictifs et cancer (novembre 2017) - PDF 288,58 ko
- Baromètre cancer 2015
- Fiche repère "Nutrition et prévention des cancers" - PDF 2,09 Mo
- Synthèse - Nutrition et prévention primaires des cancers : actualisation des données (Juin 2015) - PDF 558,77 ko
- Nutrition et prévention primaire des cancers : actualisation des données - Rapport (Juin 2015) - PDF 2,06 Mo