Y a-t-il moins de cancers chez les consommateurs d’aliments bio ?
13/11/2018
C’est la question soulevée par l’étude NutriNet-Santé, parue dans le JAMA Internal Medicine ce 22 octobre 2018. Les chercheurs ont analysé la survenue de cancers chez des consommateurs réguliers de produits issus de l’agriculture biologique comparés à ceux qui n’en consommaient pas ou très peu. Décryptage.
Qui a réalisé cette étude ?
Il s’agit d’une étude menée par une équipe du centre de recherche en Epidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité qui englobe plusieurs établissements : l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Université Paris 13 et le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
Entre mai 2009 et novembre 2016, les chercheurs en charge de l’étude ont analysé les données recueillies auprès de 68 946 participants, tous adultes volontaires, issus de la cohorte française NutriNet-Santé.
Il s’agit de la première étude française significative sur cette question.
Quels sont les résultats de cette étude ?
Le nombre de nouveaux cas de cancers (incidence) était plus faible chez les consommateurs les plus réguliers d’aliments bio par rapport aux consommateurs de produits non bio. Durant la période de l’étude, les chercheurs ont observé la survenue de cancers chez 2,2% des personnes qui ne consommaient pas ou très peu d’aliments issus de l’agriculture biologique. Cette incidence était de 1,6% chez les plus grands consommateurs de bio.
Les chercheurs constatent une association significative entre forte consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique et diminution du risque de cancers (tous types confondus). Les preuves ne sont cependant pas encore suffisantes pour parler de lien de causalité. Cette diminution du risque est de 25 % pour l’ensemble des cancers. Cette baisse est spécifiquement observée pour les lymphomes (diminution de 76%), en particulier pour les lymphomes non hodgkinien (diminution de 86%), qui sont des cancers associés à l’exposition aux pesticides chez les agriculteurs. Cependant le faible nombre de cas de lymphomes dans cette étude nécessite de considérer ces résultats avec précaution. Cette réduction est également retrouvée pour le cancer du sein chez les femmes ménopausées (diminution de 34%).
Quelles suites donner à ces résultats ?
Comme souligné par les auteurs eux-mêmes, l’association entre alimentation biologique et risque de cancers doit être confirmée par d’autres investigations. Ces nouvelles recherches devront être conduites sur d’autres populations d’étude et dans différents contextes.
Les auteurs émettent plusieurs hypothèses pour expliquer ces résultats et la réduction des risques de cancer :
- cette diminution pourrait être liée à la présence plus faible de résidus de pesticides dans les aliments issus de l’agriculture biologique par comparaison à ceux provenant de l’agriculture conventionnelle,
- et/ou à la présence plus élevée de certains micronutriments, comme les antioxydants ou les vitamines dans les aliments bio.
Comme le précisent les auteurs, cette étude présente un certain nombre de limites. Le temps moyen de participation est assez court (environ 4 ans), la population de volontaires est à majorité féminine, l’âge moyen des participants est assez jeune (44 ans), il y a un faible nombre de cas de cancers pour certaines localisations et il n’y a pas d’information sur les modalités de dépistage de cancer.
Quelles sont aujourd’hui les recommandations alimentaires pour prévenir les cancers ?
Aujourd’hui, on connaît plusieurs habitudes alimentaires et modes de vie qui jouent un rôle dans la probabilité de développer ou non un cancer.
Une surcharge pondérale, tout comme la consommation de viandes rouges et de charcuteries, de boissons alcoolisées et de compléments alimentaires à base de bêta-carotène entraînent une augmentation du risque de cancers.
L’alimentation de type « fast food » peut être responsable d’une surcharge pondérale qui peut provoquer une augmentation du risque de cancer, tout comme la consommation de boissons sucrées.
La pratique d’une activité physique, une alimentation végétale (céréales complètes, légumes secs, fruits et légumes) et l’allaitement peuvent en revanche diminuer le risque de cancer et de surcharge pondérale.
Comment sont établies les recommandations nutritionnelles ?
Les recommandations nutritionnelles pour prévenir l’apparition de cancers s’appuient sur l’analyse de nombreux articles internationaux et ne retiennent que les éléments présentant des preuves suffisantes, selon le World Cancer Research Fund International (WCRF, 2018).
Les données sur l’impact de la consommation d’aliments biologiques ne sont aujourd’hui pas assez nombreuses pour conclure avec certitude à leur efficacité pour éviter les risques de cancers.
Consommer fruits, légumes et produits céréaliers complets
Il importe avant tout, pour se prémunir du risque de cancer, de consommer tous les jours, au moins 5 portions de fruits et légumes (soit l'équivalent de 400 grammes par jour). Et cela quel que soit leur mode de production (bio ou non). Il est également recommandé de privilégier les produits céréaliers complets (pain complet, pâtes complètes, riz complet) et les légumes secs (lentilles, pois cassés…) qui sont plus riches en fibres. Consommer ces aliments n’apporte pas une protection absolue mais permet de réduire le risque de développer un cancer. Par mesure de précaution, et dans le but de limiter davantage l'ingestion de résidus de pesticides, il est conseillé de laver les fruits et légumes, de peler ceux qui peuvent l’être.
La consommation de quelques aliments issus de l’agriculture biologique, notamment des fruits, légumes et céréales, est également conseillée par le Haut Conseil de la Santé Publique.
Quelle est la méthode utilisée pour réaliser cette étude ?
Les données qui ont servi à cette étude ont été collectées via un questionnaire, renseigné par chaque participant. Y figurait la fréquence de consommation d’aliments biologiques, catégorisés en 16 classes d’aliments (fruits, légumes, produits à base de soja, produits laitiers, viande/ poisson/œufs, pains et céréales, etc.).
Les participants ont ainsi été répartis en quatre groupes de consommation en fonction de leur fréquence de consommation de produits bio.
Les données sociodémographiques, les modes de vie, l’activité physique, la consommation d’alcool et de tabac, les choix nutritionnels de chacun ont également été intégrés à l’analyse.
Le groupe étudié était composé à 78% de femmes, et l’âge moyen était de 44 ans.