A la recherche des causes de cancers

L'une des premières étapes de la prévention des cancers consiste à connaître leurs déterminants, c'est-à-dire les facteurs susceptibles d'influer sur leur apparition. Les actions et les messages de prévention proposés par les autorités sanitaires reposent ainsi largement sur les connaissances issues de la recherche en épidémiologie.

La recherche en épidémiologie

L'épidémiologie est l'étude scientifique de la distribution des états de santé ou des maladies, ainsi que des facteurs qui les influencent. Ces facteurs et leur importance peuvent évoluer au cours du temps : c'est pourquoi les conclusions scientifiques et donc, les messages de prévention, sont régulièrement mis à jour.

Cette discipline se divise en trois branches :

  •  une branche « descriptive », qui étudie la fréquence et la répartition des maladies (ici : les cancers) dans le temps et suivant les territoires (région, pays, monde...), , les populations (genre, tranche d’âge…), et qui suit leur évolution. Grâce à ces analyses, on sait que les cancers représentent la première cause de mortalité par maladie en France. Cette branche est indispensable pour guider la mise en place d'actions et de programmes publics visant à lutter et à contrôler les problèmes de santé (consulter le Panorama des cancers 2023) ;
  •  une branche « analytique » qui recherche les causes de cancers et étudie la possibilité ou la probabilité d'en être atteint. Elle permet notamment d'identifier les populations les plus exposées à ces risques. Elle offre ainsi la possibilité aux pouvoirs publics de mieux orienter, vers ces groupes, les efforts et les messages de prévention qui les concernent ;
  •  une branche qui vise à évaluer l'efficacité des actions entreprises pour lutter contre les facteurs de risque de cancer identifiés, qu'il s'agisse de prévention ou de dépistage.

En général, les scientifiques initient la production des connaissances sur les facteurs susceptibles d'influencer la survenue d'un cancer. Ces acteurs de la recherche travaillent dans les universités ou les organismes publics de recherche et leurs travaux sont financés, en partie, par des organismes comme l'Institut national du cancer. D'autres études sont produites à la demande des autorités sanitaires, par exemple les expertises collectives, qui permettent de faire le point sur un sujet donné.

Les études d'évaluation du risque

Les chercheurs produisent des études visant à identifier de nouveaux facteurs de risque et/ou à évaluer leur rôle dans l'apparition d'un cancer. Une mission souvent difficile. En effet, la découverte d'une relation entre l'exposition à un facteur « F » et la survenue d'un cancer ne signifie pas forcément que « F » cause ce cancer. Ainsi, des chercheurs avaient observé que la consommation de café était associée à un risque plus élevé de cancer du poumon ; en poussant plus loin, ils se sont aperçus que cette relation était due au fait que les personnes qui consommaient plus de café avaient tendance à fumer. Or le tabac est une cause reconnue de cancer du poumon.

Pour éviter de conclure à tort que l'exposition à un facteur donné peut, ou ne peut pas, causer un cancer, les chercheurs examinent attentivement l'ensemble de l'information scientifique disponible. Ils compilent pour cela les résultats de toutes les études menées sur différentes populations à différentes époques et différents endroits. Ces informations sont souvent complétées par des recherches faites en laboratoire. On se base sur un certain nombre de critères, dont notamment :

  •  le risque de cancer augmente avec une augmentation de l'exposition (exemple : plus un individu fume, plus sa probabilité d'avoir un cancer du poumon augmente) ;
  •  le risque de cancer diminue avec une diminution ou un arrêt de l'exposition (exemple : en s'arrêtant de fumer, on réduit son risque de cancer) ;
  •  le lien entre l'exposition et le risque de cancer soit fort (exemple : un fumeur a 25 fois plus de risques de mourir d'un cancer du poumon qu'un non-fumeur).

La classification des facteurs étudiés

Une fois que des études ont démontré l'existence d'un lien entre l'exposition à un ou plusieurs facteurs et le risque de cancer, les résultats sont classés par groupes. C'est une des missions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui publie régulièrement des évaluations scientifiques sur toutes sortes de substances soupçonnées de jouer un rôle dans l'apparition de cancers. Ces rapports détaillés, appelés « monographies », sont disponibles sur son site. L'ensemble des facteurs étudiés est périodiquement révisé, et d'autres éléments s'y ajoutent au fur et à mesure que la connaissance progresse.

Le CIRC a ainsi déterminé quatre groupes de classification de ces facteurs :

  • Groupe 1 : l’agent est cancérogène pour l’Homme
  • Groupe 2A : l’agent est probablement cancérogène pour l’Homme
  • Groupe 2B : l’agent est peut-être cancérogène pour l’Homme
  • Groupe 3 : l’agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’Homme

Les perspectives de la recherche

40% des cas de cancers sont évitables, car liés en grande partie à des facteurs comportementaux (tabac, alcool, alimentation, activité physique). Grâce aux efforts des chercheurs, on comprend mieux aujourd'hui l'influence des divers facteurs ou agents qui influencent l'apparition d'un cancer, ainsi que les étapes du développement d'une tumeur. La recherche permet aujourd'hui de traiter de plus en plus de cancers en améliorant à la fois la survie et la qualité de vie des personnes malades.

D'autres travaux viennent compléter ces recherches pour aider les pouvoirs publics à mieux adapter les actions et messages de prévention, de manière à atteindre le plus grand nombre de personnes. Les chercheurs se mobilisent également sur les facteurs de risque encore méconnus, les effets d'interaction entre plusieurs facteurs, et les interactions avec certaines prédispositions des personnes.

La connaissance de certaines causes potentielles de cancers est une étape essentielle mais elle ne suffit pas pour les prévenir. Ainsi, les campagnes qui ciblent la prévention des facteurs de risque évitables (tabac, alcool, UV...) permettent d'informer la population sur ces risques mais c'est à nous, individuellement et collectivement, d'adopter et d'appliquer ces messages de prévention. C’est pour cela que le premier axe de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 de l’Institut national du cancer se concentre sur l’amélioration de la prévention. Avec pour objectif ambitieux de réduire de 60 000 cas par an le nombre de cancers évitables d'ici à 2030.