Incidence des cancers : les réponses à vos questions
L’incidence des cancers, c’est quoi ? À quoi sert-elle ? Pourquoi ces chiffres ne sont-ils pas actualisés chaque année ? À l’occasion de la publication du Panorama des cancers 2023, vous trouverez ici des réponses à vos questions sur cet indicateur épidémiologique.
Qu’est-ce que l’incidence ?
L’incidence est un indicateur épidémiologique qui représente le nombre de nouveaux cas d’une pathologie au sein d’une population ou d’une zone géographique et sur une période définie, en général une année. Elle peut s’exprimer en nombre ou en taux d’incidence, lorsqu’on rapporte ce nombre de nouveaux cas à un nombre de personnes pour 100 000 personnes-années. Ce taux peut être calculé en divisant le nombre de cas survenus dans l’année par la taille de la population observée en milieu d’année.
Qu’est-ce qu’un indicateur épidémiologique ?
Un indicateur épidémiologique est une donnée chiffrée qui renseigne sur l’état de santé d’une population à un moment défini. Ce chiffre est obtenu à partir de données collectées par différents systèmes, en fonction de ce qu’on veut renseigner.
Exemples d’indicateurs épidémiologiques :
- l'incidence du cancer du poumon entre 1990 et 2023 en France ;
- l’espérance de vie des femmes nées en 2005 ;
- la prévalence du diabète en France en 2020 ;
- le taux de mortalité en région PACA en 2019 ;
- le taux de survie à 5 ans des cancers de la thyroïde entre 1990 et 2018 en France…
Ces indicateurs épidémiologiques permettent de suivre l’évolution de la lutte contre les cancers.
À quoi sert l’incidence des cancers ?
L’incidence fait partie des indicateurs essentiels pour guider la politique nationale de lutte contre les cancers et mesurer l’efficacité des politiques de santé publique. Il s’agit par exemple de déterminer les actions prioritaires à mener sur la prévention et le dépistage des cancers, ou encore de définir les ressources nécessaires pour soigner les personnes malades et d’anticiper les besoins futurs.
Il est également nécessaire de prendre en compte d’autres éléments pour avoir une vision globale de la situation et mieux orienter les politiques de santé publique. Ainsi, les avis d’experts, des sociétés savantes et des représentants des usagers, et le vécu des acteurs de terrain, constituent également des indicateurs importants dans la lutte contre le cancer.
D’où proviennent les données d’incidence des cancers ?
Les données d’incidence sont issues des registres des cancers réunis au sein du réseau Francim. Ce réseau est actuellement composé :
- en métropole, de 10 registres spécialisés d’organe et de 14 registres généraux (recensant toutes les localisations de cancer) ;
- dans les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), de 4 registres généraux, un par DROM.
L’ensemble de ces registres couvre environ 21 à 24 % de la population selon la localisation de cancer.
Les données de ces registres permettent, via des modélisations statistiques, de produire les données d'incidence à l'échelle nationale.
Pour les cancers pédiatriques, 2 registres nationaux produisent des données d’incidence de l’enfant et de l’adolescent. Leur particularité est de recenser tous les cas de cancers sur le territoire français.
Qu’est-ce qu’un registre des maladies ?
C’est une entité dont le rôle est de recueillir de manière exhaustive et continue tous les nouveaux cas d’une maladie sur un territoire donné (généralement un département). Chaque registre est généralement intégré à un établissement hospitalier ou de recherche (Inserm, université…). Il existe des registres pour différentes pathologies : maladies cardiovasculaires, cancers, malformations congénitales, etc.
Pour les registres des cancers :
- un recueil continu signifie qu’il s’agit d’un recueil de données effectué de façon continue sur plusieurs années ;
- un recueil exhaustif signifie qu’il faut enregistrer tous les cas de cancer du territoire considéré, qu’ils soient identifiés à l’hôpital ou en médecine de ville. L’enregistrement ne se limite pas aux principaux centres spécialisés de cancérologie ;
- une population géographique définie correspond généralement à un département français, voire à une région dans quelques cas, ou à l’ensemble du territoire français pour la cancéropédiatrie.
En plus du recueil des données, le registre participe à diverses activités :
- de recherche afin de mieux comprendre la maladie, sa survenue, les facteurs de risques, etc. ;
- de santé publique afin d’avoir des indicateurs épidémiologiques, d’évaluer la qualité des soins, etc.
N’est pas registre qui veut !
Comme un registre est la méthode de référence pour estimer l’incidence d’une maladie, le recueil et la validation des cas de manière certaine requièrent un savoir-faire exigeant de collecte, de vérification des données, de validation auprès de différents établissements de santé et/ou de différents acteurs, et de modalités de codage comparables entre registres. Les procédures sont très standardisées et encadrées, et nécessitent du temps. Ainsi, un registre, quelle que soit la pathologie qu’il étudie, ne dispose généralement de données validées et utilisables qu’au terme de 2 années de procédure.
Pour obtenir la qualification de « registre », une structure est évaluée par une commission indépendante et multidisciplinaire, le Comité d’évaluation des registres (CER), qui examine avec précision la capacité d’une structure à mener à bien ce travail. Une fois cette première évaluation obtenue, les registres sont réévalués régulièrement (tous les 5 ans) par ce même comité.
Quels facteurs peuvent expliquer l’évolution de l’incidence des cancers ?
Le nombre de nouveaux cas de cancers dans une population dépend de 3 facteurs :
- la taille de cette population ;
- sa moyenne d'âge ;
- les facteurs de risque de cancer auxquels les personnes ont été exposées et les méthodes de diagnostic.
Évolution de la taille de la population
Plus la population augmente dans une zone géographique donnée, plus le nombre de cas augmente. Ainsi, sur la période 1990-2023, l’augmentation de la population explique 30 % des cas supplémentaires de cancers chez les hommes et 30 % chez les femmes.
Évolution de la structure d’âge
Plus une personne est âgée, plus son risque d’avoir un cancer augmente. De ce fait, si la population étudiée a tendance à vieillir au cours du temps, le nombre de nouveaux cancers augmente. En France, en 2023, l’âge médian au diagnostic est respectivement de 70 ans et de 68 ans chez l’homme et la femme.
En France, sur la période 1990-2023, la population âgée de 60 à 90 ans est passée de 15,8 % à 24,4 % chez les hommes (soit une augmentation de 54,3 %) et de 20,8 % à 27,6 % chez les femmes (soit une augmentation de 32,6 %). Sur la période 1990-2023, le vieillissement de la population explique 48 % des cas supplémentaires de cancer chez les hommes et 27 % chez les femmes.
Évolution des facteurs de risque
De nombreux facteurs augmentant le risque de développer un cancer sont désormais bien connus. Certains, comme l’âge ou l’hérédité (c’est-à-dire le fait d’avoir eu un cas de cancer chez un parent proche), ne sont pas modifiables. En revanche, d’autres, comme le tabac, l’alcool, une alimentation déséquilibrée, relèvent du comportement individuel et peuvent être modifiés par chacun. L‘incidence des cancers liés à ces facteurs de risque évitables sont variables d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre.
Autre facteur de risque : les expositions collectives aux facteurs environnementaux, nécessitant des mesures collectives pour les pallier.
Ainsi, d’après le rapport du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), en 2018 :
- le tabagisme est responsable de 28,5 % des nouveaux cas de cancers chez l’homme et de 9,3 % chez la femme ;
- l’alcool est responsable de 8,5 % des nouveaux cas de cancers chez l’homme et de 7,5 % chez la femme ;
- l’alimentation déséquilibrée est responsable de 0,6 % des nouveaux cas de cancers chez l’homme et de 2,3 % chez la femme ;
- la pollution de l’air extérieur est responsable de 0,6 % des nouveaux cas de cancers chez l’homme et de 0,3 % chez la femme.
Les facteurs de risque peuvent également évoluer au cours du temps en fonction :
- des habitudes de vie : la sédentarité est par exemple beaucoup plus importante aujourd’hui qu’il y a 50 ans ou même 20 ans, or elle constitue un facteur de risque de cancer ;
- des politiques de prévention : la lutte contre le tabac (via les campagnes d’information, mais également l’augmentation du prix du tabac, par exemple) a permis de faire reculer sa consommation dans de nombreux pays.
Pourquoi les données d’incidence du cancer ne sont-elles pas publiées chaque année ?
Le cancer est une maladie aiguë, dont on peut guérir, mais qui est aussi spontanément mortelle. En raison des progrès constants en matière de survie, son évolution peut se faire sur plusieurs mois, voire plusieurs années, contrairement aux maladies infectieuses (gastroentérite, grippe, Covid-19), qui sont de survenue brutale et d’évolution rapide.
Certes, certaines formes de cancers (5 à 10 % des cas) peuvent être liées à la présence d’une altération génétique constitutionnelle, c’est-à-dire présente dans toutes les cellules de l’organisme et transmissible à la descendance. Néanmoins, plusieurs facteurs de risque comme l’alcool, le tabac, le surpoids, les facteurs environnementaux ou des produits utilisés en milieu professionnel sont connus pour être à l’origine de certains cancers. Les délais entre l’exposition à ces facteurs et la survenue du cancer se comptent alors en années (de 5 à plus de 20 ans), en dehors de circonstances exceptionnelles.
Par conséquent, même s’il est important de surveiller l’évolution des cancers au cours du temps, un recul de quelques années est nécessaire pour appréhender son évolution et permettre de guider les politiques de santé publique.
D’autres pays parviennent à sortir des chiffres plus régulièrement que la France : pourquoi ?
Dans certains "petits" pays, comme la Suisse, la Suède ou encore Israël, la population est moins nombreuse qu’en France et l’accès aux données de santé est globalement moins contraignant. Ainsi, en Angleterre, il y a un "registre national des cancers", le National Cancer Registration and Analysis Service (NCRAS), mais il est bien moins exhaustif que la base commune des registres français. C’est une question de choix entre des données actualisées plus souvent mais moins qualitatives, et des données de qualité avérée, qu’on peut utiliser pour, notamment, extrapoler avec un bon indice de fiabilité.
La publication des chiffres de l’incidence des cancers pour la période 1990-2023 ne comprend que 19 localisations de cancers : pour quelles raisons ?
Il a été choisi de ne présenter les données d’incidence que pour les cancers les plus fréquents et/ou pour lesquels un dépistage est possible. Parmi les localisations proposées figure également une synthèse "tous cancers".
On observe une augmentation du nombre de nouveaux cas de cancers, estimée à 433 136 cas en 2023 contre 382 000 cas en 2018. Comment expliquer cette hausse ?
Plusieurs nuances sont à apporter à ces chiffres. On observe en réalité une tendance stable du taux d’incidence standardisé "tous cancers" chez les hommes. En revanche, chez les femmes, il y a effectivement une augmentation de ce taux de cancers, en particulier pour les cancers du sein, du poumon, de l’ensemble lèvre-bouche-pharynx. L’une des explications avancées est l’augmentation du nombre de fumeuses : en France, la proportion de fumeurs tend à augmenter chez la femme, alors qu’elle baisse chez l’homme.
Cette publication repose sur des "projections" pour les chiffres de l’année 2023 : qu’est-ce qu’une projection ? Comment est-elle calculée ?
Une projection est une prévision à plus ou moins long terme qui nécessite de faire des hypothèses d’évolution tant sur l’évolution de la population que sur celle de l’incidence. L’intérêt de bénéficier de chiffres fiables et solides réside dans le fait qu’on puisse, avec le recul et avec les modèles statistiques dont nous disposons, proposer des projections d’incidence à 5 ans qui soient plausibles – sauf pour certains types de cancers, par exemple celui de la thyroïde, dont les critères de diagnostic ont évolué avec les avancées de la recherche ou bien encore celui de la prostate.