Chercher pour mieux détecter

Pourquoi tous les cancers ne font-ils pas l'objet d'un dépistage ? Comment les candidats-tests de dépistage sont-ils identifiés ? Comment évalue-t-on l'efficacité d'un test de dépistage ?

Chercher pour mieux détecter, c'est identifier et développer les outils permettant de diagnostiquer les tumeurs le plus tôt possible. Mammographie, examens spécifiques comme la recherche de sang dans les selles, marqueurs biologiques : les modes de détection ne manquent pas.

Aujourd'hui, plusieurs cancers peuvent être dépistés précocement : sein, colorectal, col de l'utérus, mélanome malin... D'autres ne le sont pas encore, faute d'avoir trouvé un test ou examen fiable permettant de détecter les lésions cancéreuses précoces ou précancéreuses. C'est le cas, par exemple, des cancers du poumon.

Néanmoins, la montée en puissance de nouvelles disciplines scientifiques et l'apport des technologies innovantes, en particulier l'imagerie, font surgir une foule inédite de nouveaux « candidats-tests » à la détection précoce des cancers. Nous nous intéresserons ici plus spécifiquement aux marqueurs biologiques, ou « biomarqueurs ».

L'identification de biomarqueurs prédictifs

La recherche sur le dépistage des cancers a connu de nombreuses avancées ces dernières années. L'identification de biomarqueurs susceptibles de détecter un cancer avant l'apparition de symptômes en est particulièrement emblématique.

Les biomarqueurs sont des protéines anormalement exprimées – trop ou pas assez – sur des gènes particuliers. Il en existe de plusieurs sortes : certains fournissent une indication sur le risque de développer un type particulier de cancer, d'autres peuvent signaler la présence d'un cancer. D'autres encore donnent des informations sur la nature et la gravité d'une tumeur, ou permettent de suivre l'effet du traitement sur les cellules cancéreuses.

Grâce aux nouvelles techniques de séquençage du génome humain, qui ont ouvert la voie à la découverte de nombreux biomarqueurs, il est aujourd'hui possible d'obtenir la carte d'identité génétique de n'importe quelle cellule. Des milliers de gènes sont ainsi passés au crible pour savoir si les mutations éventuellement observées dans les cellules cancéreuses, par rapport à des cellules saines, peuvent permettre de détecter précocement un cancer. Il peut s'agir de mutations génétiques héréditaires, comme le gène BRCA pour les cancers du sein, ou d'anomalies acquises au cours de la vie, comme le virus HPV pour les cancers du col de l'utérus.

Les chercheurs travaillent aussi aux moyens d'examiner des biomarqueurs trouvés directement dans les fluides du corps humain (sang, urine, salive...), afin de faciliter l'émergence de nouveaux tests.

De la découverte à la mise en œuvre d'un test biologique

Pour schématiser, l'élaboration d'un test de dépistage se déroule en trois étapes, ou « phases » :

  • la phase 1 désigne la découverte de biomarqueurs susceptibles de servir au dépistage d'un cancer, notamment grâce aux nouveaux outils de la recherche fondamentale : génomique, épigénomique, protéomique ;
  • la phase 2 cherche à déterminer si le biomarqueur identifié peut être mesuré, avant l'apparition de tout symptôme, dans des échantillons de sang, de selles, d'urine ou de salive, et si les résultats obtenus sont fiables et reproductibles ;
  • la phase 3 examine de plus près les variations du biomarqueur étudié, afin d'en étudier l'évolution au fur et à mesure de la maladie. Elle permet de développer des protocoles de tests plus sensibles et plus spécifiques, et de savoir à quel intervalle il est utile de les répéter.

A ce point de leurs études, les chercheurs savent si un biomarqueur est capable de détecter un cancer avant son diagnostic clinique. Ils ont évalué ce qu'on appelle la sensibilité du test, c'est-à-dire son pourcentage de détection parmi des gens malades. Ils ont une estimation du temps qui sépare la possibilité de détection du diagnostic.

Toutefois, ils ignorent encore à quel stade précis de la maladie cette détection intervient. Or, cette question est importante car un test ne permettant d'identifier que des cancers à un stade avancé perd de son intérêt. En effet, un test de dépistage n'a d'intérêt que s'il permet d'améliorer la prise en charge d'un patient. Plus un cancer est traité tôt et meilleures sont les chances d'en guérir.

Comment évalue-t-on un dépistage ?

Un fois qu'un biomarqueur a démontré son efficacité dans la détection d'un cancer avant l'apparition de symptômes, il faudrait pouvoir mener des études dites « prospectives », c'est-à-dire en recueillant régulièrement des échantillons sur des populations saines et nombreuses, pendant assez longtemps pour voir apparaître le biomarqueur chez certaines personnes, puis en procédant au suivi rigoureux de ces sujets afin de déterminer s'ils ont vraiment un cancer débutant ou non. Or, ces études sont complexes à mettre en place, ne donnent pas de résultats avant plusieurs années, et leur coût est élevé. C'est pourquoi il y en a peu.

Il est également possible qu'un candidat-test identifie aussi des tumeurs qui ne se développeront pas davantage, ou qui régresseront spontanément. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic. Ce phénomène est inhérent à tout type de dépistage, quel que soit le test utilisé.