Leucémie lymphoïde chronique : quels sont les traitements médicamenteux ?
Le recours aux traitements médicamenteux n’est pas systématique pour la leucémie lymphoïde chronique (LLC). Ils sont indiqués pour les stades A ou B présentant des symptômes et le stade C. Le choix de proposer un traitement est décidé en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
Quels sont les médicaments utilisés pour traiter la LLC ?
Plusieurs types de médicaments sont utilisés pour traiter la LLC : des thérapies ciblées ou une immunochimiothérapie. On les regroupe sous le nom de traitements médicamenteux. Ces traitements sont dits généraux, ou encore systémiques, car ils agissent dans l’ensemble du corps.
Les thérapies ciblées et l’immunochimiothérapie n’ont pas le même mode d’action :
- les thérapies ciblées bloquent la croissance ou la propagation des cellules cancéreuses, en interférant avec les altérations moléculaires qu’elles présentent ou avec des mécanismes qui sont à l’origine de leur développement et de leur dissémination ;
- l’immunochimiothérapie combine des médicaments de chimiothérapie conventionnelle qui agissent sur les mécanismes de la division cellulaire et des médicaments d’immunothérapie qui se fixent sur les lymphocytes pour permettre leur élimination.
Que se passe-t-il avant le début du traitement ?
Lorsque l’indication de traitement médicamenteux est posée, et uniquement à ce moment-là, il réalise un bilan préthérapeutique. Ce bilan s’appuie sur l’hémogramme réalisé précédemment, complété par une étude des chromosomes des cellules cancéreuses. Il est complété par une étude moléculaire qui vise à rechercher la présence d’une altération moléculaire des gènes des lymphocytes anormaux. Cette caractéristique oriente le choix des traitements. Un scanner de tout le corps, dit "corps entier", peut également être effectué pour compléter ce bilan, afin d’évaluer notamment la masse tumorale, si vous présentez des symptômes ou que vous devez être traité avec une thérapie ciblée spécifique, le vénétoclax.
Avant de démarrer le protocole de traitement, votre hématologue vous en explique le principe et les objectifs. Il vous informe sur l’organisation des soins, le traitement, les effets indésirables possibles et les solutions qui existent pour les anticiper ou les limiter. N’hésitez pas à lui soumettre toutes les questions que vous vous posez au sujet de ce traitement.
Il est important de préciser tous les médicaments que vous prenez, avec ou sans prescription médicale, afin d’évaluer les risques d’interactions médicamenteuses. Les possibles interactions avec l’alimentation (exemple : jus de pamplemousse) ou l’usage d’huiles essentielles doivent également être indiquées.
Si vous êtes en âge de procréer et que vous avez un désir d’enfant, il est très important d’en parler avec votre équipe médicale avant de commencer un traitement, car certains traitements peuvent avoir une incidence sur la fertilité. Elle pourra vous orienter vers un centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) spécialisée en oncofertilité pour étudier les possibilités éventuelles dans votre situation.
Exemples de questions à poser aux professionnels de santé :
- Quels types de médicaments me seront administrés ? De quelle façon ?
- Quels sont les objectifs du traitement ?
- Quels sont les effets indésirables ? Que puis-je faire pour les limiter ? Comment sont-ils traités ?
- Quel est l’impact sur ma vie sexuelle ?
- Le traitement se passe-t-il à l’hôpital ou à domicile ? Combien de temps dure-t-il ?
- Comment et par qui est effectué le suivi ? À quel rythme ? Y a-t-il des conseils alimentaires particuliers à suivre ?
Quels sont les examens réalisés en amont d'un traitement ?
Retrouvez ci-dessous les examens réalisés en amont de la mise en place d’un traitement systémique, lorsque celui-ci est envisagé.
Examens réalisés à partir d’une prise de sang
Caryotype des lymphocytes sanguins complété par un test moléculaire
Il permet d’analyser les chromosomes (nombre et structure), puis de rechercher des anomalies moléculaires (délétion, mutation…)
Objectifs :
- Cette analyse permet, par exemple, de rechercher les anomalies moléculaires appelées délétion 17p et mutation TP53.
- Ces examens sont réalisés pour orienter la prescription de certaines thérapies ciblées.
Statut mutationnel des gènes des immunoglobulines (IGVH)
Cet examen permet de détecter la présence de mutation au niveau des IGVH qui est un marqueur de l’évolution de la LLC.
Objectif : cette analyse est un examen complémentaire qui aide à déterminer le meilleur traitement à prescrire.
Hémogramme avec numération des réticulocytes
La numération des réticulocytes s’effectue à partir d’un prélèvement sanguin.
Objectif : les réticulocytes sont les globules rouges les plus jeunes (immatures). La mesure de leur taux permet d’appréhender le mécanisme d’une anémie. Ils sont (très) élevés dans les AHAI.
Électrophorèse des protéines
Elle permet d’identifier et de séparer les protéines du sang en fonction de leur différence de charge électrique.
Objectif : cette analyse permet de repérer une diminution de certains anticorps (hypogammaglobulinémie) pouvant causer des complications infectieuses ou une immunoglobuline monoclonale.
Bilan d’hémolyse
Il permet de savoir s’il y a une hémolyse, c’est-à-dire une destruction des globules rouges, qui est une complication de la LLC.
Tomodensitométrie (ou TDM)
Examen qui permet d’obtenir des images du corps en coupes fines au moyen de rayons X. On parle plus souvent de scanner.
Objectif : examen d’imagerie médicale qui permet :
- de détecter des ganglions profonds et une augmentation du volume de la rate ;
- de surveiller leur évolution après traitement ;
- de dépister des complications infectieuses notamment pulmonaires.
Évaluation gériatrique : pour les personnes âgées
Il s’agit de tests et d’un examen clinique visant à repérer la fragilité du patient âgé par les hématologues, le médecin traitant ou un autre médecin spécialiste. Si ces tests repèrent une ou des fragilités, alors il est indiqué de voir un gériatre avant le traitement de la LLC.
L’évaluation gériatrique reposera sur :
- l’autonomie motrice ;
- les maladies chroniques ;
- le nombre de médicaments pris au long cours, leurs indications et les risques d’interactions ;
- l’évaluation nutritionnelle ;
- l’état des fonctions cognitives ;
- l’état psychologique ;
- l’environnement social.
Objectif : cette évaluation en cancérologie et en hématologie permet d’adapter les traitements anticancéreux, de prendre en compte les spécificités des personnes âgées et de proposer, en cas de besoin, un plan personnalisé de soins adapté aux éventuelles fragilités en parallèle de la prise en soins de la LLC.
Évaluation cardiovasculaire (non systématique)
Examen clinique réalisé par un cardiologue, associé ou non à une échographie cardiaque, pour les patients traités par inhibiteur de BTK.
Quels sont les médicaments utilisés ?
Les traitements possibles sont :
- des médicaments de thérapies ciblées administrés par voie orale ;
- des anticorps monoclonaux administrés par voie injectable ;
- de l’immunochimiothérapie.
Les thérapies ciblées
Les médicaments de thérapies ciblées sont pris par voie orale de façon quotidienne. Il s’agit d’inhibiteurs de :
- la tyrosine kinase de Bruton (BTK), tels que ibrutinib ou acalabrutinib ;
- la protéine anti-apoptotique BCL-2 (B Cell Lymphoma 2), tel que vénétoclax.
Un inhibiteur de protéine kinase est un composé qui agit en bloquant des enzymes connues sous le nom de protéine kinase, qui sont impliquées dans la croissance et le développement des cellules. En bloquant ces protéines kinases, les inhibiteurs contribuent à limiter la division et le développement des cellules cancéreuses.
L’inhibiteur de BCL-2 (B Cell Lymphoma 2) agit, quant à lui, en bloquant l’action d’une protéine naturellement présente dans l’organisme appelée « BCL-2 ». Cette protéine contribue à la survie des cellules cancéreuses. Le blocage de cette protéine permet de tuer les cellules cancéreuses et de réduire leur nombre.
Les anticorps monoclonaux
Les anticorps monoclonaux anti-CD20 sont administrés par voie intraveineuse, il peut s’agir de :
- l’obinutuzumab ;
- du rituximab.
Les anticorps sont des protéines fabriquées par le système de défense de l’organisme (système immunitaire). Leur rôle est de repérer et de neutraliser certaines substances étrangères comme les virus, les bactéries ainsi que les cellules anormales ou cancéreuses. Pour les neutraliser, l’anticorps se fixe sur une molécule, l’antigène, présent sur la surface de la substance étrangère ou de la cellule anormale ou cancéreuse, et permet son élimination par le système immunitaire.
Les anticorps monoclonaux sont produits en laboratoire, à partir d’un clone de cellule (plusieurs cellules identiques, d’où le terme monoclonal). Grâce à la recherche médicale, des anticorps monoclonaux «anticancer» ont pu être fabriqués. Ils ont la capacité de repérer et de bloquer certains mécanismes spécifiques des cellules cancéreuses ou de repérer la cellule cancéreuse elle-même pour qu’elle soit détruite.
Les noms de ces anticorps se terminent souvent par –mab, comme le rituximab et l’obinutuzumab.
L’immunochimiothérapie
Les médicaments de chimiothérapie agissent à l’intérieur même des cellules, au niveau de l’ADN. Ils les empêchent de se multiplier. Les cellules qui ne peuvent plus se multiplier finissent par mourir. On parle d’action cytotoxique, autrement dit d’action toxique pour les cellules.
Il peut s’agir de :
- la fludarabine, un antimétabolite qui perturbe le fonctionnement des cellules, il s’administre par voie orale ;
- le cyclophosphamide, le chlorambucil et la bendamustine, des agents alkylants qui inhibent la transcription et la réplication de l’ADN des cellules pour les détruire. Le cyclophos- phamide et le chlorambucil s’administrent par voie orale; la bendamustine s’administre par voie intraveineuse.
Ces trois types de traitements sont combinés selon des protocoles déterminés en fonction des facteurs pronostiques et de votre état de santé général.
Le traitement sera établi selon les associations suivantes :
- soit les thérapies ciblées (ibrutinib, acalabrutinib, vénétoclax) sont administrées par voie orale. Elles sont utilisées seules, associées entre elles ou à un anticorps monoclonal (obinutuzumab ou rituximab), administré, lui, par voie intraveineuse ;
- soit l’immunochimiothérapie est administrée, par voie injectable ou voie orale, selon les protocoles suivants :
- FCR = la fludarabine et le cyclophosphamide sont associés à l’anticorps monoclonal, rituximab,
- CLBO = le chlorambucil est associé à l’anticorps monoclonal, obinutuzumab,
- BR = la bendamustine est associée à l’anticorps monoclonal, rituximab.
Les médicaments employés, les doses administrées, le rythme des cycles ou encore la durée du traitement pour une thérapie ciblée ou une immunochimiothérapie à prise orale varient en fonction de votre état général, de votre âge, de l’existence de fragilités et de leurs éventuels traitements, des caractéristiques de la LLC, de la présence d’anomalies génétiques, et de la tolérance au traitement, sur la base de doses et de rythmes prédéfinis.
Chez les personnes âgées nécessitant un traitement pour la LLC, un questionnaire de repérage de la fragilité peut être réalisé par les hématologues et peut conduire à une évaluation gériatrique afin de diagnostiquer des fragilités pouvant interférer avec les traitements.
Pour aller plus loin
Consultez la base de données publique des médicaments du ministère chargé de la Santé.
Important : l’automédication, parlez-en avec votre médecin
L’automédication n’est pas recommandée avec les traitements médicamenteux contre le cancer, notamment en raison du risque d’interactions médicamenteuses potentielles. Certaines molécules pouvant être obtenues avec ou sans prescription médicale, ainsi que certains compléments alimentaires et produits phytopharmaceutiques (produits à base de plantes, comme le millepertuis), peuvent limiter l’effet des médicaments anticancéreux (comme certaines thérapies ciblées). C’est aussi le cas du pamplemousse (frais et en jus). D’autres médicaments peuvent au contraire entraîner un risque accru d’effets indésirables. L’avis d’un médecin ou d’un pharmacien est nécessaire avant toute initiation d’un nouveau traitement.
Comment se déroule le traitement, en pratique ?
Le traitement peut être pris par voie orale (thérapie ciblée ou immunochimiothérapie) ou administré par voie injectable (immunochimiothérapie et anticorps monoclonaux anti-CD20).
Le déroulement du traitement est soigneusement planifié par l’équipe médicale après avoir été discuté avec vous, en fonction de votre situation, et présenté dans votre programme personnalisé de soins (PPS). Le médecin qui vous suit vous remet un calendrier qui détermine le lieu et les jours de traitement, ainsi que les noms des médicaments utilisés.
La durée totale du traitement est variable. Il se déroule soit de façon continue, tous les jours pour les traitements oraux, soit par cycles intermittents séparés par des périodes de repos pour les traitements injectables.
Les médicaments de thérapies ciblées sont administrés par voie orale, de manière quotidienne :
- soit sur une durée de 12 à 24 mois pour les inhibiteurs protéine anti-apoptotique BCL-2 (vénétoclax) associés à un anticorps monoclonal anti-CD20 ou à un inhibiteur de BTK ;
- soit sans date de fin de traitement prédéfinie, tant que le traitement est efficace et toléré correctement, pour les inhibiteurs tyrosine kinase de Bruton (BTK) (ibrutinib ou acalabrutinib), seuls ou éventuellement associés à un anticorps monoclonal anti-CD20 (ces anticorps sont administrés par voie intraveineuse).
Lorsque les médicaments sont pris par voie orale, à domicile, il est fondamental de respecter rigoureusement les doses et les modalités de prise indiquées pour obtenir la meilleure efficacité du traitement tout en évitant un surdosage. Cette modalité de traitement s’effectue dans le cadre d’une surveillance conjointe entre votre hématologue et votre médecin généraliste.
Certains médicaments de chimiothérapie sont également administrés par voie orale ; c’est le cas de la fludarabine, de cyclophosphamide et du chlorambucil. D’autres, comme la bendamustine, s’administrent par voie intraveineuse. Le traitement dure 6 mois, à raison d’un cycle toutes les 4 semaines.
Lorsque les médicaments sont injectés dans une veine, par perfusion ou par injection, le traitement se déroule généralement à l’hôpital en ambulatoire, c’est-à-dire que vous ne restez que le temps de la perfusion ou de l’injection et rentrez chez vous le jour même. On parle aussi d’hospitalisation de jour.
Dans le cas d’un traitement dit BR, qui associe la bendamustine à l’anticorps monoclonal rituximab, la pose d’une chambre implantable percutanée (CIP) appelée aussi chambre implantable, port-à-cath® ou PAC, est possible.
Avant chaque cycle (lorsqu’il est intermittent), un examen clinique et des examens sanguins sont réalisés pour vérifier que votre état de santé permet de poursuivre le traitement. En cas d’anomalies, comme une baisse importante du taux de globules blancs, le traitement peut être reporté ou modifié.
Comment évalue-t-on la façon dont la maladie a réagi aux traitements ?
Une évaluation de la réponse thérapeutique, c’est-à-dire de la façon dont la LLC a réagi aux traitements, est réalisée pendant les traitements et lorsque les traitements s’achèvent.
Pour cela, les examens réalisés initialement sont de nouveau prescrits. L’hémogramme est effectué afin de contrôler la quantité de lymphocytes présents dans le sang. L’examen clinique est réalisé afin de vérifier la disparition ou non d’aires lymphoïdes palpables et éventuellement complété par un scanner.
Il faut noter que certains traitements, notamment les inhibiteurs de BTK seuls, s’administrent sans durée de traitement prédéfinie. Le traitement ne s’achève donc pas, sauf quand sa toxicité excède le bénéfice attendu ou qu’une progression de la maladie est constatée.
Dans la plupart des cas, une réponse complète, c’est-à-dire la disparition complète de tous les signes de la maladie, est obtenue grâce au traitement. Dans le cas d’une maladie chronique comme la LLC, on ne parle généralement pas de guérison, car la rechute peut survenir même en cas de réponse complète au traitement.
On s’intéresse actuellement à la maladie résiduelle détectable (MRD). Les techniques utilisées pour évaluer la MRD permettent de détecter (ou non) la persistance après traitement d’une très petite quantité de cellules cancéreuses encore présentes parce qu’elles n’ont pas suffisamment répondu aux traitements ou qu’elles y sont devenues résistantes.
Si le résultat des tests spécifiques de la MRD est positif, il faudra peut-être poursuivre le traitement ou l’adapter pour obtenir une meilleure réponse.
Si le résultat est négatif, cela ne signifie pas pour autant que vous êtes totalement guéri, mais que votre rémission a de bonnes probabilités d’être prolongée.