Un impact difficile à évaluer
Évaluer le caractère cancérigène d'une substance présente dans notre environnement est une tâche délicate. D'abord parce que définir l'environnement est très complexe. Ensuite, parce qu'un cancer résulte d'expositions successives ou simultanées à plusieurs facteurs et qu'il peut s'écouler de nombreuses années entre l'exposition et l'apparition de la maladie. Enfin, parce qu'on sait encore mal estimer le risque de cancers associés à des niveaux d'exposition faibles mais chroniques à ces substances.
Une définition complexe
La notion d'environnement est complexe car elle peut être définie de multiples façons, suivant les époques, les pays et les personnes interrogées. Ces différentes sources peuvent aller jusqu'à considérer que l'environnement recouvre tout ce qui n'est pas d'ordre génétique, incluant ainsi les facteurs sociaux et les comportements individuels. Si l'on retient cette définition, ce domaine est donc très vaste.
D'autres définitions de l'environnement :
- en France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) définit l'environnement comme l'ensemble des expositions à des agents physiques, biologiques et/ou chimiques présents dans les lieux de vie et de travail. Elle estime que les expositions volontaires, par exemple aux UV, et les comportements individuels, comme le tabagisme, la consommation d'alcool ou une alimentation déséquilibrée, n'en font pas partie ;
- l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), dans sa définition de l'environnement, exclut les facteurs rencontrés en milieu professionnel ;
- l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à l'inverse, y inclut l'ensemble des facteurs déjà cités, y compris les comportements individuels.
Enfin, la notion d'exposome est de plus en plus souvent utilisée dans la littérature scientifique. Il s'agit de l’ensemble des expositions environnementales auxquelles l'on est soumis tout au long de sa vie, non seulement à travers l’air que vous respirez, les rayonnements qui nous bombardent, nos comportements, notre alimentation, notre environnement sonore, socioéconomique et psychoaffectif. En résumé, tout ce qui nous constitue et n'est pas génétique.
En savoir plus sur l'exposome : le dossier de l'Inserm
Il correspond à l’ensemble des expositions environnementales auxquelles vous êtes soumis tout au long de votre vie, via votre alimentation, l’air que vous respirez, les rayonnements qui vous bombardent, vos comportements, votre environnement sonore, psychoaffectif ou encore socioéconomique
Des incertitudes scientifiques
Pour savoir si une substance peut favoriser le développement d'un cancer, il faut pouvoir l'isoler des autres facteurs de risque, afin d'évaluer sa toxicité et d'en mesurer l'impact. Une tâche très difficile à accomplir dans l'environnement, où nous pouvons être exposés à plusieurs facteurs, de façon simultanée ou non, souvent à doses faibles mais chroniques. De plus, il peut s'écouler plusieurs dizaines d'années entre l'exposition à un facteur et l'apparition d'un cancer pouvant y être lié.
Ces difficultés expliquent la coexistence de nombreuses études scientifiques sur l'influence des facteurs de risque environnementaux suspectés d'être à l'origine de certains cancers, et dont les résultats sont parfois discutables, voire contradictoires. La complexité de ce sujet et les incertitudes scientifiques actuelles rendent difficile l'affirmation de chiffres : elles peuvent conduire soit à surestimer, soit à sous-évaluer l'impact de l'environnement dans les causes de cancers.
En tout état de cause, un facteur cancérigène établi sur la base d'une seule étude ne peut pas être tenu pour avéré. Des études ultérieures doivent creuser la question afin de valider – ou de remettre en question – les premières conclusions. Ce n'est qu'après avoir réuni les résultats convergents de plusieurs études sur un même sujet que l'on peut affirmer qu'un facteur est cancérigène ou non. Cette classification est l'une des missions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Robert Barouki, professeur de biochimie à l'Université Paris Descartes, revient sur les facteurs de risque environnementaux.