Cycle cellulaire et dysfonctionnement de la cellule

Les organismes, végétaux ou animaux, sont constitués de minuscules éléments : les cellules. Au cœur des cellules, les gènes contiennent l’information nécessaire à leur fonctionnement et en déterminent un certain nombre de caractéristiques. Chaque cellule naît, se multiplie en donnant naissance à de nouvelles cellules, puis meurt. Les gènes et l’ensemble des informations qu’ils contiennent sont transmis à ces nouvelles cellules.

Il arrive que certains gènes présentent des anomalies ; le programme de fonctionnement de la cellule peut alors être déréglé et celle-ci peut se comporter de façon anormale. Soit ces anomalies sont réparées, soit elles induisent la mort spontanée de la cellule. Mais parfois, il arrive que ces cellules survivent.

Un cancer, c’est cela : une maladie provoquée par une cellule initialement normale dont le programme se dérègle et la transforme. Elle se multiplie et produit des cellules anormales qui prolifèrent de façon anarchique et excessive. Ces cellules déréglées finissent par former une masse qu’on appelle tumeur maligne, autrement dit cancéreuse.

Qu'est-ce qu'une cellule ?

La cellule est l'unité de base de tout organisme vivant (l’être humain est constitué de plusieurs milliards de cellules). C'est aussi la plus petite unité capable de fonctionner de façon autonome. Elle s'apparente en effet à une véritable usine miniature qui dispose de ses propres systèmes de fabrication, de stockage, de transport, ou encore de communication.

Ces systèmes lui permettent de se développer, de se différencier et se spécialiser – autrement dit, d'acquérir les caractéristiques propres à sa future fonction –, et aussi de se diviser et de mourir, le tout de façon programmée et contrôlée.

Plus concrètement, la cellule se présente sous la forme d'une membrane qui renferme un gel – le cytoplasme – dans lequel baigne le noyau. C'est dans ce noyau qu'est localisé le patrimoine génétique de chaque individu, stocké sous la forme de 23 paires de chromosomes.

Chaque chromosome est constitué de nombreuses protéines et d'une molécule d'ADN, elle-même composée de deux brins enroulés l'un autour de l'autre pour former une double hélice. C'est sur cette molécule d'ADN que sont inscrits nos gènes.
 

Illustration de Pierre Bourcier - de la cellule à l'ADN

Un gène est donc une séquence, un segment particulier, de l'ADN. Il renferme une instruction précise qui contribue au fonctionnement de chaque cellule et donc, plus globalement, de l'organisme tout entier.

Pour cela, l'instruction contenue dans les gènes est traduite en protéine via un code appelé code génétique. Les protéines sont ainsi les relais de l'information génétique et les « acteurs de terrain » qui assurent le fonctionnement de la cellule et donc de l'organisme.

Fonctionnement normal de la cellule : le cycle et la division cellulaire 

Constitué d'environ 100 000 milliards de cellules, l'organisme humain fonctionne grâce à un équilibre constant entre la production de nouvelles cellules et la destruction d'autres cellules.

La vie des cellules est ainsi sous le contrôle de deux mécanismes : le cycle cellulaire, qui conduit à la fabrication de cellules par leur division, et l'apoptose, processus de mort cellulaire programmée qui conduit à la destruction des cellules vieilles ou abîmées.

À l'exception des cellules reproductrices (spermatozoïdes et ovules), toutes les cellules de notre organisme se divisent selon le même mécanisme appelé mitose. Il s'agit d'un processus par lequel une cellule, nommée cellule mère, donne naissance à deux cellules filles, strictement identiques entre elles et à la cellule mère.

Ce processus de division repose sur une succession de phases regroupées sous le nom de cycle cellulaire. Il nécessite l'intervention d'un grand nombre d'intermédiaires, dont des protéines et l'acide ribonucléique (ARN).

Le cycle cellulaire comporte ainsi 5 phases : une phase de repos, une première phase de croissance, une phase de synthèse, une seconde phase de croissance et enfin la phase de mitose ou de division à proprement parler.

  • Lors de la phase de repos (G0), les cellules n'ont pas commencé à se diviser. C'est lorsque la cellule reçoit un signal de reproduction qu'elle entre dans la phase G1 du cycle cellulaire.
  • Lors de la première phase de croissance (G1), la cellule commence à fabriquer plus de protéines et d'ARN afin de se préparer à la division.
  • Lors de la phase de synthèse (S), l'ADN de la cellule est copié (synthèse d'ADN).
  • Lors de la seconde phase de croissance (G2), la cellule continue de fabriquer des protéines et de l'ARN en préparation à la division.
  • Enfin, c'est au moment de la mitose, phase (M), que la cellule se divise en deux nouvelles cellules.

Après la mitose, la cellule peut soit quitter le cycle cellulaire pour se développer, atteindre sa maturation et éventuellement mourir (apoptose), soit passer à la phase de repos (G0) et revenir plus tard dans le cycle cellulaire.

Au cours de la division et plus précisément lors de la phase S, l'ADN présent dans le noyau de la cellule mère est répliqué, c'est-à-dire qu'il est reproduit à l'identique.

Pour cela, la double hélice d'ADN de la cellule mère se scinde en 2 brins. Chacun de ses brins servira de support à la synthèse d'un second brin afin de reformer une double hélice.

Chaque nouvelle double hélice ainsi formée intégrera le noyau de chacune des 2 cellules filles.

Dysfonctionnement de la cellule

Des points de contrôle sont programmés entre chaque phase du cycle cellulaire, afin de vérifier que le processus en cours se déroule de façon normale.

C'est l'occasion pour la cellule d'identifier la survenue d'éventuelles anomalies dans son cycle cellulaire et de déclencher soit une action de correction de ces erreurs, soit son autodestruction (apoptose).

Si ces erreurs ne sont pas réparées, elles s'accumulent. C'est cette accumulation au fil des divisions qui est à l'origine du cancer. On considère qu'il faut environ une dizaine de mutations pour que le phénomène de cancérisation apparaisse.

Les anomalies qui se produisent sont des mutations génétiques, engendrées par des erreurs lors de la réplication - ou reproduction - de l'ADN, et donc des gènes, lorsque la cellule se divise.

Dans la majorité des cas, ces mutations surviennent sur l'ADN d'une cellule somatique d'un tissu particulier, par exemple sur l'ADN d'une cellule du colon.

Les cellules somatiques désignent l'ensemble des cellules de l'organisme qui ne sont pas impliquées dans la reproduction et la fécondation, autrement dit toutes les cellules de l'organisme sauf les ovules et les spermatozoïdes.

Pour cette raison, la mutation ne sera pas transmise à la descendance. On parle de forme sporadique lorsque ce sont ces mutations, dites somatiques, qui sont impliquées dans un cancer.

On oppose ces formes sporadiques de cancer aux formes héréditaires, rares.

Les mutations

Ces mutations sont dues soit au hasard, soit à l'exposition à un facteur de risque. On dit qu'elles sont acquises.

L'erreur qui se produit au niveau de l'ADN peut prendre différentes formes et conduire à différents types de mutations.

  • Il peut s'agir de mutations ponctuelles qui entraînent des variations très légères sur l'ADN et génèrent des polymorphismes, sans conséquence dans la plupart des cas. On dit que la mutation est silencieuse. Cependant, il est à noter que des recherches sont en cours pour élucider le rôle de certains polymorphismes dans la survenue, par exemple, des cancers bronchiques.
  • Il peut s'agir de mutations ponctuelles plus complexes entraînant des effets plus graves.
  • Il peut s'agir, enfin, d'anomalies plus importantes impliquant des gènes entiers comme des délétions (pertes) ou des translocations (échanges) de chromosome ou de parties de chromosome. Par exemple, une partie d'un chromosome peut se détacher pour aller se déposer sur un autre. C'est ce type de phénomène que l'on retrouve dans les leucémies myéloïdes chroniques où se produit une translocation entre les chromosomes 9 et 22.

Des gènes mutés reliés à l'apparition du cancer

On a identifié trois catégories de gènes qui, une fois altérés par des mutations, peuvent participer à l'apparition du processus de cancérisation.

Il s'agit :

  • des « proto-oncogènes » ; ils ont pour rôle de favoriser la prolifération normale des cellules. Une mutation sur ces gènes - qui deviennent alors des « oncogènes » - peut avoir pour conséquence une activation de leur fonctionnement, ce qui entraîne une stimulation anormale de la prolifération cellulaire ;
  • gènes « suppresseurs de tumeur » ; ils ont, au contraire, pour rôle de freiner la prolifération normale des cellules. Une mutation sur ces gènes peut entraîner une inactivation ou une diminution de leur fonctionnement, ce qui aboutit aussi à une stimulation anormale de la prolifération cellulaire ;
  • des gènes qui permettent à la cellule de réparer son ADN lorsqu'il est endommagé : la déficience de ces gènes joue un rôle-clé dans l'apparition des cancers.

On connaît déjà plus d'une centaine d'oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeurs, ainsi que de nombreux gènes de réparation de l'ADN. Les recherches en cours sur certains de ces gènes pourraient conduire à de nouvelles pistes de traitement.