Médecine de précision : mécanismes d’action

Une tumeur se développe à la suite d’une multiplication et d’une prolifération anarchique de certaines cellules. Ces dysfonctionnements résultent d’une accumulation d’erreurs au sein de l’ADN de ces cellules. Ces erreurs, des anomalies ou altérations moléculaires, peuvent entraîner des perturbations au sein des cellules ou de leur environnement menant au développement, à la croissance et/ou à la propagation de la tumeur.

Les traitements de la médecine de précision, à savoir les thérapies ciblées et l’immunothérapie spécifique, visent à bloquer ou corriger ces perturbations en ciblant les anomalies moléculaires qui en sont responsables. Ils agissent soit sur la cellule tumorale soit sur son environnement.

Agir sur la cellule tumorale

Il existe au sein des cellules un système complexe de communication qui permet à ces cellules d’échanger différentes informations entre elles ou avec leur environnement, notamment pour contrôler la manière dont elles se multiplient (il s’agit de la « signalisation cellulaire »).

À la suite de certaines anomalies, ce système de communication cellulaire se retrouve déréglé, bouleversant le fonctionnement normal des cellules. Ces dernières vont alors proliférer de manière anarchique pour former une tumeur.

Certaines thérapies ciblées sont capables de s’attaquer précisément à un type de dérèglement donné. Elles bloquent la transmission de certaines informations au sein des cellules tumorales qui les conduisaient à se diviser et à proliférer de manière anarchique. La croissance des cellules tumorales se retrouve alors stoppée.

Ces traitements peuvent agir à différents niveaux de la cellule :

  • sur les messagers qui déclenchent la transmission d’informations au sein d’une cellule (appelés « facteurs de croissance ») ;
  • sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l’information à l’intérieur de la cellule) ;
  • sur des éléments à l’intérieur des cellules.
Les différents niveaux de blocage des thérapies ciblées

Agir sur l’environnement de la tumeur

Les dysfonctionnements et les anomalies survenant au sein des cellules tumorales ne sont pas les seules caractéristiques déterminant la prolifération et la propagation des tumeurs. On sait désormais que les interactions entre la tumeur et l’environnement qui l’entoure, appelé le microenvironnement, jouent également un rôle essentiel dans ces processus.

Le microenvironnement cellulaire est le milieu entourant les cellules d’un tissu ou d’un organe. Il comprend notamment des vaisseaux sanguins et des cellules du système immunitaire. Une perturbation de l’équilibre de ce milieu peut favoriser la transformation de cellules normales en cellules cancéreuses. Lorsqu’une tumeur est formée, on parle alors de microenvironnement tumoral. Celui-ci diffère du microenvironnement normal par sa composition et par le fait que ses différents éléments sont détournés et contrôlés par la tumeur pour répondre à ses propres besoins.

Empêcher la tumeur de fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins

Lorsqu’une tumeur atteint une certaine taille, le réseau sanguin déjà existant n’est plus suffisant pour l’alimenter en nutriments et en oxygène. La tumeur va alors mettre en place de nouveaux vaisseaux sanguins, qui diffèrent des vaisseaux normaux, pour s’assurer une bonne irrigation et ainsi permettre sa survie et sa croissance. Il s’agit de la néo-angiogenèse (néo : nouveau, angio : vaisseau, genèse : création). Ces nouveaux vaisseaux peuvent également servir de porte d’entrée à la diffusion de métastases vers d’autres organes.

Des thérapies ciblées, appelées antiangiogéniques, ont donc été développées pour empêcher la tumeur de fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins et ainsi limiter son développement.

Déverrouiller le système immunitaire

L’immunothérapie a pour objectif de rétablir une réponse immunitaire efficace qui permet au corps de s’attaquer aux éléments anormaux ou qui sont lui sont étrangers. Pour cela, l’immunothérapie va agir sur des perturbations qui interviennent dans les cellules tumorales et dans leur environnement.

Les cellules tumorales sont en effet capables de détourner les dispositifs de contrôle du système immunitaire pour éviter d’être attaquées et détruites. Pour cela, la tumeur déclenche des mécanismes très précis qui inactivent les cellules immunitaires (plus particulièrement les lymphocytes T, acteurs majeurs de ces mécanismes de défense). On dit que la tumeur « freine » le système immunitaire. L’inactivation de ces cellules immunitaires ne permet plus à l’organisme de fournir une réponse adaptée pour lutter contre le cancer.

Les mécanismes qui inactivent les cellules immunitaires agissent par le biais d’éléments clefs, appelés points de contrôle (CTLA-4, PD-1, PD-L1 entre autres). Ces points de contrôle peuvent être bloqués par des traitements (appelés « inhibiteurs de points de contrôle immunitaire »). Ce blocage réactive le système immunitaire et lui permet ainsi de lutter plus efficacement contre les cellules tumorales.

Contrairement aux traitements d’immunothérapie non spécifique, qui stimule le système immunitaire dans son ensemble (comme les cytokines), l’immunothérapie spécifique agit sur des cibles particulières de la tumeur ou de son environnement.

L’exemple des anti-PD-1 ou anti-PD-L1 (nivolumab et pembrolizumab)

La liaison de la protéine PD-L1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 sur les lymphocytes T entraîne l’inactivation de ces derniers (image 1). En bloquant cette liaison, via le récepteur PD-1 ou la protéine PD-L1 (avec des anti-PD-1 ou anti-PD-L1), l’inactivation des lymphocytes T est levée (image 2). Les cellules immunitaires réactivées vont alors être en mesure de s’attaquer aux cellules tumorales.

Immunothérapie : exemple des traitements anti-PD-1 et anti-PD-L1
Immunothérapie : exemple des traitements anti-PD-1 et anti-PD-L1