Dépistage des cancers du sein : les réponses à vos questions

Aucun dépistage de cancer n'a fait l'objet d'autant d'études randomisées et d'évaluations que celui des cancers du sein par mammographie. Paradoxalement, l'abondance de résultats, la complexité de l'évaluation et la nécessité de réévaluer régulièrement le programme, compte tenu par exemple des avancées thérapeutiques et des nouvelles études produites, amènent professionnels, experts et instances sanitaires/publiques à réinterroger l'impact réel de ce programme sur la mortalité et l'ampleur de ses effets délétères.

Que peut-on dire aujourd'hui des bénéfices du dépistage organisé ? 

Le dépistage par mammographie permet de détecter, avant tout symptôme, 90 % des cancers du sein. La répétition de l'examen tous les 2 ans améliore encore cette capacité de détection précoce.

La finalité du dépistage des cancers du sein est la réduction de la mortalité spécifique par ces cancers. La méthode la plus robuste scientifiquement pour évaluer l’efficacité globale du dépistage est de suivre la mortalité par cancer du sein dans le cadre d’essais contrôlés randomisés. Cette analyse peut être menée en comparant la mortalité des personnes dépistées et non dépistées ou la mortalité des personnes invitées et non invitées.

Aucune étude ne permet en l’état d’estimer précisément l’impact du programme national de dépistage depuis sa généralisation en 2004, en raison de l’absence de population de référence : la réduction de mortalité attendue dépend fortement du taux de mortalité de départ, sachant que ce taux était relativement bas et que la pratique de "dépistage individuel" était déjà répandue en France avant la généralisation du programme.

D’autres facteurs rendent difficile l’estimation de l’impact de ce programme depuis qu’il a été généralisé : il s’agit notamment du bon pronostic de la maladie (89 % de taux de survie nette standardisée à 5 ans, source : Les Données), de l'efficacité croissante des traitements, de l'accès facilité aux thérapeutiques, de la modification des facteurs de risque dans le temps et de l’introduction progressive (et à un niveau variable) du dépistage dans les départements.

Toutefois, plusieurs essais, menés depuis les années 1960 au niveau international et portant sur plus de 600 000 femmes invitées, ont amené à la reconnaissance du bénéfice du dépistage de façon relativement consensuelle dans la communauté médicale et scientifique. L'impact estimé variait en fonction des études et de leur qualité, des programmes expérimentés, de l’âge de la population-cible, des modalités de dépistage (rythme, nombre de clichés, examen clinique), de la durée des interventions et de l’horizon temporel des évaluations.

Les revues ou méta-analyses les plus récentes de ces essais randomisés s'accordent sur l'existence d'un bénéfice d'un tel programme et permettent d'estimer que la réduction de mortalité par cancer du sein est de l'ordre de 15 % à 21 %. C’est pourquoi, aujourd’hui en Europe, 25 pays mènent un programme de dépistage des cancers du sein similaire au programme français.

S'agissant des autres bénéfices cliniques généralement avancés en faveur du dépistage, aucune étude n'a réellement démontré que la participation au dépistage réduisait la lourdeur des traitements et en limitait les effets secondaires ou les séquelles. Ces éléments reposent sur des arguments indirects : le dépistage permet de détecter les lésions plus tôt et donc, en moyenne, à des stades plus précoces, ce qui favorise la mise en place de traitements plus conservateurs.

Quels en sont les risques et les limites ?

Risque de surdiagnostic

Le surdiagnostic correspond à la détection de lésions cancéreuses qui n'auraient pas évoluées vers une présentation clinique ou symptomatique au cours de la vie de l'individu, ni n'auraient été diagnostiquées ou causé de préjudice à l'individu en l'absence de dépistage.

Le surdiagnostic est une composante inhérente à tout dépistage. Il est généralement estimé par comparaison des taux d'incidence annuels ou des taux d'incidence cumulée de cancers du sein dans deux populations dont l'une est soumise au dépistage, ou à partir de la modélisation du taux de cancers non évolutifs. Les résultats varient fortement selon le type de cas concernés ("infiltrant seul" ou "infiltrant + in situ"), la méthodologie, les hypothèses, les indicateurs et les paramètres retenus.

Selon les études publiées, le surdiagnostic pourrait être de l'ordre de 1 à 10 %, voire 20 %. Selon les estimations, le rapport entre le nombre de décès par cancer évités et le nombre de cancers surdiagnostiqués varie de 2 décès évités pour un 1 cas de surdiagnostic à 1 décès évité pour 10 cas de surdiagnostic (valeur centrale de 1 décès évité pour 3 cas de surdiagnostic).

L’état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas de distinguer d’emblée un cancer qui évoluera d’un cancer qui n’évoluera pas ou peu, ou qui n’aura pas de conséquences pour la femme concernée. Les enjeux actuels sont le développement de la recherche visant à l'identification de biomarqueurs d'évolution des petites tumeurs et à la mise en œuvre d'une désescalade thérapeutique, en vue d'éviter des examens inutiles et de limiter au maximum le surtraitement et le suivi des patientes.

Risque de cancer radio-induit

Le risque de développer un cancer à la suite d’une exposition à la mammographie est établi mais apparaît faible. C’est l’une des raisons pour laquelle l’intervalle entre deux dépistages est de 2 ans et qu’en l’absence de facteurs de risque, elle n’est pas proposée avant 50 ans.

Les modélisations indiquent que le risque de cancers radio-induits liés aux mammographies pourrait être, dans la tranche d’âge et pour la population ciblée par le dépistage organisé, de l’ordre de 1 à 10 cas pour 100 000 femmes ayant réalisé une mammographie tous les 2 ans pendant 10 ans. En revanche, le nombre de décès évités avec le dépistage est largement supérieur au risque de décès par cancer radio-induit.

À titre indicatif, si une femme suit strictement la recommandation de participation au programme de dépistage organisé de ses 50 à ses 74 ans, elle réalisera 13 mammographies. Son exposition aux rayonnements ionisants représentera alors, au total, le quart de celle provoquée par un scanner abdominopelvien, acte très courant. Les mammographies représentent moins de 2 % de l’exposition totale de la population française aux rayonnements ionisants.

L'attention doit être portée sur les surexpositions dues à un nombre (ou une fréquence) de mammographies trop important (début avant 50 ans ou mammographie annuelle sans justification) et sur l'exposition de populations particulières (femmes porteuses de certaines altérations génétiques, antécédent personnel d'irradiation).

Des recommandations sur le suivi des femmes à prédisposition génétique BRCA 1/2 ont été publiées par l'Institut en 2017.

Cancers de l'intervalle

En l'absence de registre national des cancers, on ne peut fournir qu'une estimation partielle sur la sensibilité du programme et sur les cancers de l'intervalle. Pour 1 000 femmes qui réalisent un dépistage, on estime que moins de deux d’entre elles développeront un cancer de l’intervalle.

L’analyse menée par certains départements a permis d’estimer que de l’ordre de 17 % des cancers diagnostiqués pour les femmes participant au dépistage l’ont été entre deux mammographies. Un projet est en cours de définition pour permettre d'évaluer la sensibilité du programme de dépistage organisé sur une fraction plus importante de la population.

Un résultat "faux négatif" ou "faux positif"

  • Une anomalie peut ne pas avoir été repérée, donnant alors un "faux négatif". La double lecture des clichés de la mammographie permet de réduire considérablement ce risque.
  • Un résultat positif indique la présence d'une anomalie. Dans la majorité des cas, l’anomalie découverte se révèle bénigne. On parle alors d’un “faux positif”. Il s’agit toutefois d’une situation anxiogène pour les femmes en attente de confirmation.

Comment mesure-t-on la performance des mammographes ?

La qualité de la chaîne mammographique est contrôlée tous les six mois par des organismes agréés, selon les directives de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM1).

Une enquête menée en 2010 avait permis de mettre en évidence des différences de performances, en matière de détection des cancers, selon les types d'installation. Ces éléments ont contribué au renforcement du contrôle qualité des appareils en France, décidé par l'ANSM. 

En juin 2014, l'Institut a publié un rapport au terme de quatre vagues d'enquêtes menées auprès des centres régionaux de coordination des dépistages (CRCDC) sur les performances des installations mammographiques dans le cadre du programme de dépistage organisé des cancers du sein. Ce rapport reprenait l'ensemble des résultats des années 2008 à 2011.

Depuis, le niveau d'exigence des contrôles a été renforcé, notamment face à la progression continue de l'imagerie médicale vers le numérique. Une évaluation produite par l’Institut national du cancer en décembre 2018 a confirmé que les systèmes numériques DR présentaient des taux de détection de cancer plus élevés que ceux de la technologie analogique et que ceux des systèmes numériques CR de marque Konica Minolta. À la suite de cette enquête, le ministère en charge de la Santé a publié en mars 2019 un arrêté autorisant uniquement les installations de mammographie numérique dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein. Dorénavant, seuls les radiologues équipés de ces dispositifs permettront une prise en charge de l'examen à 100 % par l’Assurance Maladie.

Qu’est-ce que la tomosynthèse et quelle pourrait être sa place dans le dispositif de dépistage organisé ?

La tomosynthèse est une méthode d’imagerie du sein réalisée à l’aide d’un mammographe numérique plein champ permettant de recréer une image en 3D. Selon les experts, elle permettrait une meilleure précision de la caractérisation des anomalies et une réduction des risques de mauvaise interprétation de la 2D liée à une superposition d’images. Elle apporterait également un meilleur confort de lecture.

En juin 2014, en réponse à une saisine de la Direction générale de la santé (DGS), l’Institut avait élaboré une note de position sur la place de la tomosynthèse dans le programme de dépistage organisé du cancer du sein, en s’appuyant sur l’avis d’un groupe de travail.

L’Institut avait alors conclu que les données disponibles étaient trop préliminaires pour pouvoir intégrer cette technique au cahier des charges du dépistage organisé du cancer du sein en France, même si la tomosynthèse semble apporter des avantages en termes de sensibilité et de spécificité (données publiées d’un seul constructeur en situation de dépistage).

En mars 2017, l’Institut et la Direction générale de la santé ont saisi la Haute Autorité de santé (HAS) afin qu’elle évalue la performance et la place de la tomosynthèse dans le programme national de dépistage organisé du cancer du sein.

En avril 2018, la HAS a publié une feuille de route visant à définir la démarche méthodologique mise en œuvre pour l’élaboration des recommandations.

En novembre 2019, la HAS a publié le premier volet de sa recommandation de santé publique : "Revue critique de la littérature sur la performance de la mammographie par tomosynthèse dans le dépistage organisé du cancer du sein - Volet 1". Le deuxième volet : "Évaluation de la performance et de la place de la mammographie par tomosynthèse dans le programme national de dépistage organisé du cancer du sein - Volet 2" est attendu pour la fin de l'année (consulter la note de cadrage sur ce volet). 


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