La prise en charge nutritionnelle

Le cancer en lui-même, mais aussi les traitements (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) et leurs effets secondaires peuvent avoir des conséquences sur votre alimentation et plus particulièrement sur votre état nutritionnel, c’est-à-dire le bon équilibre entre ce que vous consommez et ce que vous dépensez.

Vous aurez très souvent à faire face à une perte de poids plus ou moins importante et être exposé à une dénutrition. De manière plus générale, votre qualité de vie risque d’être altérée.

L’état nutritionnel est évalué à chaque étape de votre prise en charge. Une dénutrition peut en effet être présente dès le diagnostic du cancer ou apparaître après un traitement. Elle est souvent causée par une dysphagie progressive et persistante, symptôme très fréquemment observé lors du cancer de l’œsophage.

La dysphagie est la sensation de blocage dans l’œsophage lors de la déglutition. C’est un symptôme typique du cancer de l’œsophage, notamment à un stade avancé. Si elle n’est pas traitée, la dysphagie peut être à l’origine d’une perte de poids et/ou d’une dénutrition.

Pour pallier la difficulté de s’alimenter en cas de dysphagie, un traitement médical (pose d’une prothèse pour maintenir l’œsophage ouvert, radiothérapie externe pour diminuer la taille de la tumeur) ou un support nutritionnel peuvent être mis en place.

Le bilan nutritionnel avant le début des traitements

Avant le choix de votre traitement, des examens et une consultation particulière seront réalisés pour évaluer l’impact de votre maladie sur votre « état nutritionnel ». C’est ce que l’on appelle le bilan nutritionnel. Au cours de cette consultation, le professionnel vous questionnera sur vos habitudes alimentaires et l’évolution récente de votre poids. Il réalisera un bilan de vos apports alimentaires en correspondance avec vos besoins. Ce bilan est souvent accompagné d’un bilan biologique complémentaire. L’évaluation de votre état nutritionnel permet ensuite de dépister tout risque de dénutrition ou une dénutrition déjà installée et de proposer une prise en charge nutritionnelle adaptée, pour combattre ce risque ou limiter son évolution.

A NOTER

En cas de perte de plus de 5 % de votre poids habituel en un mois ou de plus de 10 % en six mois (par exemple si une personne de 60 kilos perd 3 kilos en un mois ou 6 kilos en six mois), vous êtes considéré comme dénutri. Au-delà de 10 % en un mois, ou de 15 % en six mois, on parle de dénutrition sévère.

D’autres paramètres complémentaires et notamment biologiques (mesurés à partir de prises de sang) sont également pris en compte pour dépister une dénutrition ou évaluer l’évolution de l’état nutritionnel.

Une dénutrition peut avoir des conséquences à court terme et à long terme.

À court terme, elle peut entraîner :

Une augmentation des risques de complications postopératoires avec :

  • une diminution des défenses contre les infections qui risquent d’être plus sérieuses et plus longues à guérir ;
  • une cicatrisation perturbée, plus longue, moins solide, avec l’apparition possible d’escarres (plaies de pression) ;
  • une prolongation de l’hospitalisation, un retour à domicile retardé et un risque de ré-hospitalisation.

Une augmentation du risque d’effets indésirables liés à la chimiothérapie et/ou à la radiothérapie.

Si elle n’est pas prise en charge, la dénutrition peut aussi avoir des conséquences à long terme comme :

  • une fonte des muscles associée à une perte de force et à un risque de chutes ;
  • des difficultés à exercer les activités habituelles de la vie quotidienne ;
  • une fatigue importante et accentuée qui peut altérer la vie de tous les jours ;
  • un visage amaigri, creusé, qui modifie l’image corporelle et crée une gêne dans l’entourage, en risquant d’isoler le patient de ses proches.

Une prise en charge nutritionnelle adaptée permet de limiter le risque de dénutrition et les conséquences sur votre état de santé. Il peut s’agir de conseils pratiques pour améliorer vos prises alimentaires au quotidien ou si nécessaire, d’une aide médicale à l’alimentation ou support nutritionnel.

Pour une meilleure prise en charge de votre état nutritionnel, n’hésitez pas à parler de vos difficultés à l’équipe soignante qui vous orientera vers le médecin nutritionniste ou le diététicien.

Maintenir un bon état nutritionnel

En fonction de votre état nutritionnel (dénutri ou non dénutri) et de votre traitement, différentes solutions peuvent vous être proposées. Il peut s’agir de simples conseils hygiénodiététiques personnalisés et/ou de la prescription d’un support nutritionnel (complémentation orale, nutrition entérale ou nutrition parentérale).

Des conseils hygiénodiététiques

Quel que soit votre état nutritionnel, vous pouvez bénéficier de conseils hygiénodiététiques pour une alimentation saine, diversifiée et adaptée. Ces conseils sont le plus souvent prodigués par un diététicien. Si une consultation avec un professionnel en nutrition ne vous est pas proposée, n’hésitez pas à en faire la demande auprès de l’équipe soignante qui vous suit.

Quelques conseils pratiques pour s’alimenter au quotidien :

  • améliorez vos prises alimentaires orales journalières. Pour cela, n’hésitez pas à augmenter la fréquence des repas : faites au minimum 5 repas de petit volume répartis sur la journée ;
  • prenez le temps de manger et de bien mâcher les aliments pour prolonger la première phase de la digestion (la mastication) ; vous facilitez ainsi le passage du bol alimentaire tout au long du tube digestif. En parallèle, assurez-vous auprès de votre dentiste que vos dents sont en bon état ;
  • enrichissez les plats habituellement consommés, l’objectif étant d’augmenter le nombre de calories sans augmenter le volume des portions ingérées. En pratique, n’hésitez pas à ajouter dans vos plats des matières grasses crues comme de l’huile d’olive, du beurre, de la crème, du fromage râpé ;
  • maintenez des apports en protéines suffisants pour conserver vos muscles et vos défenses immunitaires. Insistez donc sur les aliments de type poissons, blancs d’œuf, fromages, laitages, surtout si vous présentez un dégoût pour la viande. Si cela n’est pas réalisable, votre médecin peut vous prescrire des compléments nutritionnels oraux ;
  • en cas de dysphagie intermittente : privilégiez les aliments à texture molle voire liquide, bien saucés pour faciliter la déglutition et évitez de consommer des repas trop chauds, trop sucrés ou trop acides, des aliments durs et secs (croûtes de pain, morceaux de viande peu mastiqués, fruits durs) ;
  • pensez à consommer au moins 1,5 litre d’apports hydriques (eau, thé, bouillon de légumes, infusion, café léger) répartis sur la journée et évitez de boire pendant le repas ;
  • évitez le tabac, l’alcool ;
  • après le repas, installez-vous en position semi-allongée. Cela ne peut qu’améliorer la digestion et éviter les reflux alimentaires ;
  • reprenez progressivement ou maintenez si possible une activité physique quotidienne adaptée (par exemple une demi-heure de marche lente journalière quotidienne).

Il est important de surveiller votre poids régulièrement (une fois par semaine). Si vous constatez une perte de poids importante et rapide, parlez-en au plus tôt aux professionnels qui vous entourent.

Une complémentation orale

Si malgré une alimentation enrichie (ou si les aliments habituellement consommés ne vous conviennent plus) votre alimentation ne couvre pas vos besoins nutritionnels, une forme spéciale d’aliments, s’apparentant à un médicament, peut vous être prescrite par le médecin pour une période donnée ; il s’agit des compléments nutritionnels oraux.

Les compléments nutritionnels sont des aliments concentrés enrichis en éléments dont le corps a besoin pour fonctionner : calories, protéines, vitamines, sels minéraux, oligoéléments, etc. Ils contribuent ainsi à améliorer vos apports nutritionnels qualitatifs et quantitatifs, nécessaires au maintien d’un état nutritionnel correct pendant vos traitements. Ils se présentent sous différentes formes (potages, biscuits, crèmes, boissons lactées ou à base de jus de fruits) et une variété de goûts et de saveurs (sucrés, salés). Votre médecin vous prescrira celles qui vous conviennent le mieux.

N’hésitez pas à demander également conseil à votre pharmacien et/ou au diététicien qui vous suit pour choisir les parfums et conditionnements adaptés à vos goûts et à vos préférences et vos besoins nutritionnels.

Il est primordial de consommer ces compléments nutritionnels oraux en suivant les doses et la fréquence prescrites par votre médecin.

Ils sont remboursés intégralement par la sécurité sociale pour traiter la dénutrition. Ils sont disponibles en pharmacie, ou peuvent être livrés à domicile, selon certaines conditions, par un prestataire de services.

Si la consommation de compléments nutritionnels ne vous convient pas, il est indispensable de le signaler à l’équipe médicale pour envisager une autre stratégie.

Les compléments nutritionnels oraux viennent compléter votre alimentation habituelle, mais ne doivent en aucun cas remplacer les repas.

Une nutrition entérale (titre 3)

Lorsque vos apports nutritionnels restent insuffisants malgré une alimentation orale enrichie, l’équipe médicale peut vous proposer de recourir à un autre support nutritionnel par la mise en place d’une sonde. Il s’agit d’une nutrition entérale.

Cette nutrition peut s’effectuer :

  • par sonde de jéjunostomie. La sonde est placée directement dans le jéjunum par l’intermédiaire d’un orifice réalisé au niveau du ventre. La plupart du temps elle est posée par le chirurgien pendant l’intervention chirurgicale  ;
  • par sonde de gastrostomie, lorsqu’aucune chirurgie n’est envisagée. La sonde est introduite directement au niveau de l’estomac (gastrostomie) par l’intermédiaire d’un orifice réalisé au niveau de l’abdomen, sous anesthésie par voie radiologique ou endoscopique.

Plus rarement, la nutrition entérale peut s’effectuer, pour une courte durée, par :

  • une sonde nasogastrique, introduite par le nez pour atteindre l’estomac ;
  • une sonde nasojéjunale qui passe par le nez pour atteindre le jéjunum.

La gastrostomie et la jéjunostomie ont l’avantage d’être discrètes pour votre entourage, tout en permettant de normaliser les apports nutritifs qui vous sont nécessaires.

La sonde permet une nutrition entérale exclusive ou en complément avec une alimentation par la bouche. Son installation provoque une gêne temporaire qui disparait rapidement. En effet, elle est d’un diamètre suffisamment petit pour que vous ne la sentiez pas en permanence.

La nutrition entérale mise en place par l’équipe soignante de l’établissement où vous êtes suivi peut se poursuivre au domicile, de jour comme de nuit (à condition de dormir semi-assis), selon la prescription faite par le médecin hospitalier. Un prestataire de santé à domicile est sollicité pour fournir le matériel et les produits à administrer et une infirmière à domicile assure les soins locaux et votre formation en vue de votre autonomisation pour gérer la nutrition entérale à la maison.

Elle peut durer plusieurs semaines, en particulier dans la phase postopératoire, mais aussi pendant toute la phase de chimiothérapie ou radiothérapie pour permettre la réalisation complète des traitements programmés (jusqu’à ce que les apports oraux soient suffisants pour couvrir les besoins énergétiques, en fonction de la stabilisation du poids et selon les résultats du bilan biologique complémentaire).

La prescription initiale de la nutrition entérale est effectuée par le médecin hospitalier référent pour 14 jours précisément. Son renouvellement peut être effectué par votre médecin généraliste après réévaluation de votre tolérance et de la façon dont vous consommez ces produits (à l’exception du 1er qui doit être effectué par le service à l’origine de la prescription initiale).

Pour en savoir plus sur la nutrition entérale, vous pouvez consulter le guide Comprendre la nutrition entérale

Une nutrition parentérale

Cette nutrition par voie veineuse est utilisée en dernier recours lorsque l’alimentation par voie orale et/ou la nutrition entérale est impossible, insuffisante ou contre-indiquée.

Après quelques jours de mise en place, souvent à l’hôpital pour s’assurer de la bonne tolérance, elle peut se poursuivre au domicile. Le plus souvent, une chambre implantable ou un cathéter spécial (tube souple que l’on introduit dans les veines) placé au niveau du bras sont utilisés. Un prestataire de santé à domicile procède alors à l’installation du matériel au domicile, fait le lien avec l’infirmière libérale pour le passage de cette nutrition (le plus souvent en nocturne), organise le retour d’information vers l’équipe hospitalière. Le pharmacien fournit les poches de nutrition, vitamines, oligoéléments associés au dispositif qui sera utilisé. Le service d’hospitalisation à domicile peut également réaliser cette prise en charge, avec réévaluation clinique et biologique régulière. Toutes les substances nutritives sont alors administrées par voie veineuse, y compris les vitamines et les oligoéléments.

Cette technique demande une surveillance étroite à la fois par les infirmiers au domicile et par un médecin coordonnateur ; elle impose des règles d’hygiène quotidienne très stricte pour limiter les risques d’infections.

Comme pour la nutrition entérale, cette nutrition peut être transitoirement totale ou partielle, pour compléter une alimentation orale insuffisante, en particulier pendant les traitements.