Prévenir les cancers d’origine professionnelle

La prévention des cancers d'origine professionnelle passe par différentes mesures, comme la substitution des substances CMR sur les lieux de travail quand c’est possible, ou la mise en œuvre de mesures de prévention des expositions de nature collective ou, à défaut, individuelle.

La prévention des cancers d'origine professionnelle, notamment sous l'angle de la réduction des inégalités, constitue l’un des axes structurants de divers plans et programmes nationaux de santé publique. Ainsi, l'un des objectifs majeurs des plans Santé au travail successifs, de 2010 à 2020, et poursuivi dans le plan Santé au travail 2021-2025 (PST 4), a été de développer l’ensemble des actions de prévention des risques professionnels (chimiques, psychosociaux, musculo-squelettiques). La prévention des expositions à certains facteurs cancérigènes est aussi l’un des buts prioritaires de la Convention d'objectifs et de gestion (2018-2022) signée entre l’État et la branche AT/MP de la Cnamts. Enfin, la stratégie nationale de lutte contre les cancers 2021-2030 a inscrit parmi ses objectifs la prévention des cancers liés au travail ou à l’environnement.

Ce que dit la réglementation

La prévention des cancers d'origine professionnelle s'appuie largement sur la législation européenne, en particulier sur la directive 1989/391/CEE relative à l'amélioration de la sécurité des travailleurs et de la santé au travail et sur la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail. En France, ces directives ont été transposées dans différents textes, essentiellement via le décret n°2001-97, dit « décret CMR », qui ajoute les agents reprotoxiques à la liste des substances concernées.

En plus de l'interdiction de certaines substances cancérogènes avérées, comme l'amiante, et la mise en œuvre du règlement européen REACH (enRegistrement, Évaluation, Autorisation, restriction des substances CHimiques), les règlements européen et français imposent aux entreprises de substituer tout agent cancérogène par un produit moins dangereux. En cas d'impossibilité, l'entreprise est tenue de prendre toutes les dispositions nécessaires pour réduire les expositions à leur minimum : système clos, meilleure aération, moyens de protection collectifs et individuels. Cet ensemble d’obligations est détaillé de manière précise dans l'article R. 4412-66 du Code du travail.

Le rôle des services de santé au travail

Le médecin du travail joue un rôle essentiel dans la prévention de l’altération de la santé des travailleurs liée aux expositions professionnelles. Son action, décrite dans le décret CMR et complétée par la loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail et des services de santé au travail, s’appuie sur les principes suivants :

  • conduire des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
  • conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin, notamment, d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer les conditions de travail et de contribuer au maintien dans l'emploi des travailleurs ;
  • assurer la surveillance de l'état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
  • participer au suivi et contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles, ainsi qu’à la veille sanitaire.

Le médecin du travail doit également rédiger, pour les travailleurs concernés, une attestation de non contre-indication à des activités les exposant à des agents CMR. Dans le cas où le poste implique l'exposition à des substances ou à des procédés cancérogènes, la surveillance médicale est renforcée (SMR) et se poursuit après l'exposition (surveillance post-exposition) et après la cessation d'activité (surveillance post professionnelle ou SPP). Cette surveillance est aussi mise en œuvre pour les personnes retraitées ou en recherche d'emploi ayant été exposées au cours de leur activité professionnelle à des substances reconnues cancérogènes par la réglementation française.

Le rôle des services d’inspection du travail

L'inspection du travail assure le contrôle et le respect du droit du travail concernant, notamment, les conditions de travail et de sécurité. Depuis 2007, les inspecteurs du travail ont la possibilité de prononcer un arrêt temporaire d'activité en cas de persistance d'une situation dangereuse résultant d'une exposition à une substance CMR, après une première mise en demeure à l’employeur.

Les obligations des employeurs

L'employeur est notamment tenu :

  • d'informer ses salariés sur les risques liés à leur activité professionnelle ;
  • de former ses salariés à la sécurité et à la prévention de ces risques ;
  • de veiller au respect des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) contraignantes ou indicatives. Les résultats de ces contrôles sont intégrés dans l'évaluation des risques et permettent de déterminer les mesures de prévention à mettre en œuvre ;
  • de mesurer régulièrement l'exposition des travailleurs aux agents CMR ;
  • de rédiger et tenir à jour la liste des travailleurs exposés aux agents CMR, en précisant la nature de l'exposition, sa durée, son degré estimé par les contrôles atmosphériques effectués ;
  • de rédiger une fiche d'exposition individuelle pour chaque salarié concerné et d'en transmettre un exemplaire au médecin du travail ;
  • de remettre à tout salarié quittant l'entreprise une « attestation d'exposition », cosignée par l'employeur et le médecin du travail. Cette attestation doit permettre la traçabilité des expositions de la personne concernée tout au long de son parcours professionnel.

Des règles particulières s'appliquent à certaines catégories de travailleurs (femmes enceintes, qui viennent d'accoucher ou qui allaitent ; jeunes travailleurs exposés à des agents chimiques dangereux ou à des rayonnements ionisants ; titulaires d'un CDD et salariés temporaires exposés à des agents chimiques dangereux). Quand les activités de ces personnes sont susceptibles d'entraîner un risque d'exposition à une substance cancérogène, l'employeur doit prendre certaines précautions :

  • évaluer les risques ;
  • substituer la substance dangereuse lorsque c’est possible ;
  • travailler en système clos lorsqu'une substitution n'a pas pu être mise en place ;
  • récupérer les polluants à la source ;
  • limiter le nombre de travailleurs exposés ;
  • mettre en place des mesures en cas d'urgence et s’assurer qu’elles sont connues ;
  • délimiter et baliser les zones à risque et étiqueter les contenants ;
  • prévoir un suivi médical des travailleurs.

Par ailleurs, des obligations spécifiques s'appliquent en cas d'utilisation de rayonnements ionisants et d’agents biologiques.

Les règles générales de prévention des risques professionnels sont précisées dans le Code du travail (articles L 4121-1 à L 4121-5) et l'utilisation des agents cancérogènes est strictement réglementée. Les employeurs, notamment de petites et moyennes entreprises (PME) et de très petites entreprises (TPE), peuvent trouver des informations générales et des aides concrètes auprès des organismes publics œuvrant dans la prévention des expositions professionnelles, par exemple l’INRS ou les CARSAT régionales. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) propose par ailleurs un site d'aide à la substitution des agents CMR.

Les obligations des fabricants de substances chimiques

Le règlement européen REACH, mis en place en 2007, est d'application obligatoire depuis le 1er juin 2008. Parmi ses objectifs figure la  sécurisation de la manipulation des substances chimiques par les salariés dans les entreprises, en imposant le respect de normes de sécurité.

En pratique, les industriels doivent enregistrer au niveau européen, avant mise sur le marché, toutes les substances qu’ils fabriquent ou importent en quantité supérieure à 1 tonne/an. Après enregistrement, plusieurs hypothèses sont possibles :

  • la substance est déclarée sans risque et peut donc être utilisée ;
  • la substance présente des risques pouvant être maîtrisés par des précautions d’utilisation : elle peut être utilisée mais sous conditions ;
  • la substance présente des risques : son utilisation est encadrée, voire interdite et elle doit alors être remplacée par un agent de substitution.

Ce règlement ne s'applique pas aux composés intermédiaires générés au cours des procédés industriels.

Pour accompagner les entreprises dans ces démarches, le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Ecologie propose un service gratuit d’aide et d’assistance : le Helpdesk.


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