Le traitement à l’iode radioactif ou irathérapie
Le traitement à l’iode radioactif (iode 131), aussi appelé irathérapie, est effectué dans les mois suivant une thyroïdectomie totale (ablation complète de la thyroïde).
Pour les formes localisées, le recours à ce traitement dépend du risque de récidive : il est indiqué en cas de risque élevé, discuté en cas de risque intermédiaire et rarement indiqué en cas de risque faible.
Points à retenir :
- L’irathérapie consiste à prendre de l’iode 131 sous forme d’une gélule.
- Ce traitement à l’iode radioactif permet de détruire les cellules thyroïdiennes restantes après l’ablation de la thyroïde, qu’elles soient normales ou cancéreuses.
- Le traitement est suivi d’un examen d’imagerie, la scintigraphie corps entier (deux à huit jours après l'irathérapie).
- Après ce traitement, lors de votre retour à domicile, certaines consignes de radioprotection sont à respecter.
L'irathérapie a trois objectifs :
- détruire les cellules thyroïdiennes normales restantes après l’opération, même après une thyroïdectomie totale (on parle de "reliquats thyroïdiens") ;
- compléter, dans certains cas, le bilan d’extension du cancer, grâce à l’examen scintigraphique réalisé après le traitement ;
- prévenir le risque de récidive en détruisant les éventuelles cellules cancéreuses encore présentes dans le corps, y compris les métastases.
Dans quels cas l’irathérapie est-elle indiquée ?
Le traitement à l’iode* radioactif, ou irathérapie*, est indiqué après la chirurgie complète de la thyroïde (thyroïdectomie totale) pour les formes localisées de cancer à risque élevé de récidive et pour les formes localement avancées ou métastatiques.
Il est discuté pour les formes localisées à risque intermédiaire et rarement proposé pour les cancers à faible risque de récidive.
Pour les formes localement avancées ou métastatiques, le traitement est réalisé une première fois après la chirurgie. Il peut être nécessaire de le répéter s’il reste des lésions cancéreuses après la chirurgie dans le cou ou à distance (métastases).
Ce traitement ne peut être administré qu’après une ablation totale de la thyroïde.
Grossesse et allaitement
Le traitement à l’iode radioactif est contre-indiqué en cas d’allaitement ou de grossesse. L’allaitement doit être suspendu plusieurs semaines avant le début du traitement.
Pour les femmes en âge d’avoir des enfants, un test de grossesse est réalisé avant tout traitement. Une contraception est par ailleurs nécessaire. Elle doit débuter avant le traitement et être prolongée durant 12 mois après la fin du traitement.
En quoi consiste le traitement ?
Une fois avalé sous la forme d’une gélule, l’iode radioactif passe dans le sang. Les cellules thyroïdiennes captent cet iode en circulation, qu’il s’agisse de cellules normales restantes après la thyroïdectomie ou de cellules cancéreuses. Les rayons émis par l’iode radioactif endommagent les cellules thyroïdiennes qui finissent, au bout de plusieurs semaines ou mois, par être détruites.
Des effets indésirables très limités
Les rayons ne diffusent que sur quelques millimètres. Les cellules voisines, qui ne captent pas l’iode, ne sont ainsi pas affectées et les effets indésirables du traitement sont très limités.
L’iode radioactif émet aussi un rayonnement qui peut être détecté à l’extérieur du corps. Il est utile pour l’examen d’imagerie qui suit systématiquement le traitement, la scintigraphie corps entier. Cet examen permet de détecter la présence éventuelle de cellules cancéreuses partout dans le corps.
Le traitement par l’iode radioactif
L’émission de ce rayonnement, à l’extérieur du corps, impose des mesures de protection de votre entourage une fois de retour à votre domicile.
Comment se préparer au traitement ?
Une information écrite vous est remise lors de la consultation avec le médecin nucléaire responsable du traitement à l’iode radioactif. Elle permet d’organiser et de planifier au mieux le traitement et en explique les objectifs et modalités pratiques.
Stimuler les cellules thyroïdiennes pour favoriser la captation de l’iode
Le traitement à l’iode radioactif nécessite, au préalable, une stimulation des cellules thyroïdiennes pour favoriser la captation de l’iode radioactif.
Cette stimulation est réalisée en augmentant le taux de TSH, hormone produite par l’hypophyse et qui agit sur les cellules thyroïdiennes. Cette augmentation de la TSH est obtenue de deux manières.
Votre équipe médicale décide de celle à employer pour vous :
- le plus souvent, deux injections intramusculaires de TSH, appelée TSH recombinante, sont effectuées l’avant-veille et la veille du traitement à l’iode radioactif. Votre traitement hormonal n’étant pas interrompu, vous ne ressentez pas les effets d’une hypothyroïdie. Quelques effets secondaires sont possibles, mais ils sont en général très atténués par rapport à une défrénation (sevrage) ;
- dans certains cas, la stimulation de la production de TSH passe par un arrêt de la prise d’hormones thyroïdiennes de synthèse. On parle aussi de défrénation ou de sevrage. Si vous avez démarré un traitement hormonal après la chirurgie, il est suspendu environ 4 semaines avant la séance d’irathérapie. Si vous ne l’avez pas débuté, il peut, dans certains cas, n’être initié qu’après le traitement radioactif. Lors de la défrénation, le corps est en manque d’hormones thyroïdiennes et la production de TSH est naturellement augmentée pour répondre à ce déficit. Les cellules thyroïdiennes deviennent alors avides d’iode, favorisant ainsi la captation de l’iode radioactif.
Lors du sevrage d’hormones thyroïdiennes, les effets d’une hypothyroïdie se font souvent ressentir avant et pendant l’irathérapie : fatigue, gonflements, frilosité, constipation, prise de poids, faiblesse musculaire, difficulté de concentration, déprime, troubles de la mémoire. Ces effets sont le plus souvent bien tolérés et disparaissent progressivement au cours des semaines qui suivent la reprise du traitement hormonal.
Limiter les contacts avec de l’iode
Avant le traitement, évitez d’utiliser et d’appliquer sur la peau des produits riches en iode comme certains désinfectants. De la même façon, les examens d’imagerie (scanner, par exemple) qui nécessitent l’injection d’un produit de contraste iodé sont contre-indiqués 4 à 6 semaines avant le début du traitement à l’iode radioactif. Cela risquerait de diminuer l’effet du traitement par l'iode radioactif.
Un bilan sanguin est systématiquement effectué avant le traitement. L’analyse mesure la TSH et la thyroglobuline (une protéine fabriquée par les cellules de la thyroïde, qu’elles soient normales ou cancéreuses. Elle permet d’évaluer la présence de ces cellules d’origine thyroïdienne dans l’organisme). Les anticorps anti-thyroglobuline sont également dosés car ils peuvent interférer avec le dosage de la thyroglobuline.
Comment se déroule le traitement, en pratique ?
Une hospitalisation est nécessaire durant 1 à 4 jours. Pendant cette période, vous êtes seul dans votre chambre et vous ne pouvez pas recevoir de visite ou sortir du service.
Votre installation à l’hôpital en secteur protégé
À votre arrivée à l’hôpital, vous êtes installé dans un secteur protégé, géré par le service de médecine nucléaire (un service qui utilise des produits radioactifs pour réaliser votre traitement). Ce service respecte des règles de sécurité strictes pour éviter que les personnels de l’établissement et les autres patients ne soient exposés à la radioactivité.
Votre chambre avec l’ensemble des services traditionnels mais radioprotégée
Votre chambre est radioprotégée : les murs sont plus épais et/ou doublés de plomb. Les systèmes de ventilation et d’évacuation d’eau sont indépendants du reste de l’établissement et les toilettes sont à double compartiment.
Vous pouvez bénéficier de l’ensemble des services proposés dans une unité de soins traditionnels, comme la télévision ou le téléphone, pour rompre l’isolement pendant le traitement.
Vos effets personnels : objets et vêtements
Ordinateur portable, magazines, livres, jeux : vous êtes libre d’amener tout ce dont vous avez besoin pour passer le temps. Tous les objets que vous utilisez pendant le traitement peuvent être conservés à votre sortie de l’hôpital : ils ne deviennent pas radioactifs.
Les vêtements que vous aurez portés pendant le traitement devront cependant être lavés à votre retour chez vous.
Pour le jour de votre sortie, vous devez aussi prévoir des vêtements propres, dont vous ne vous serez pas servi pendant votre séjour. Ils seront rangés à part dans le placard de votre chambre.
Les protections hygiéniques
Les protections hygiéniques sont éliminées par un circuit indépendant. Pensez ainsi à signaler à l’équipe médicale la survenue de vos règles ou de troubles éventuels de la continence. Mentionnez aussi tout traitement que vous devez prendre pendant la période d’isolement.
Une fiche d'information contenant toutes les consignes
Toutes ces consignes vous sont rappelées dans la fiche d’information remise avant le traitement. En cas de doute sur ces consignes, n’hésitez pas à en parler à l’équipe médicale.
La prise de l’iode : par voie orale
Transportée dans une boite en plomb pour éviter que la radioactivité ne se propage, la gélule d’iode 131 (iode radioactif) est apportée dans votre chambre par un médecin, un infirmier ou un manipulateur en électroradiologie du service de médecine nucléaire.
Vous avalez la gélule avec un grand verre d’eau.
Après la prise d’iode radioactif, une période d’isolement dans votre chambre
Une fois l’iode radioactif avalé, vous restez en isolement dans votre chambre pendant toute la durée de l’hospitalisation. Quelques gestes sont à adopter pendant la suite de votre séjour pour limiter l’exposition des tissus et cellules sains aux rayonnements émis par le traitement.
Comment est éliminé l’iode radioactif de votre organisme ?
L’iode radioactif est rejeté dans les urines et dans les selles. Pendant la durée de l’hospitalisation, vous devez boire abondamment pour éliminer un maximum d’iode radioactif et éviter qu’il ne stagne dans l’intestin ou les voies urinaires. Des laxatifs vous sont parfois donnés pour évacuer les selles riches en iode radioactif avant la fin de votre période d’isolement.
À quoi sert la scintigraphie post-thérapeutique ?
Deux à huit jours après le traitement par l’iode radioactif, un examen d’imagerie, la scintigraphie corps entier, est programmé. Cet examen totalement indolore permet de visualiser les parties du corps sur lesquelles l’iode 131 s’est fixé, c’est-à-dire là où se trouvent les cellules métabolisant l’iode. Cette technique aide à détecter et à évaluer une éventuelle propagation de la maladie. Elle participe donc au bilan d’extension du cancer.
Comment se déroule la scintigraphie ?
Avant de passer cet examen, vous devez prendre une douche et vous laver les cheveux, et porter des vêtements propres.
Pendant l’examen, vous êtes allongé et l’appareil qui mesure la radioactivité, une gamma-caméra, est positionné à quelques centimètres de vous. L’examen dure entre 20 et 60 minutes. L’appareil balaie des pieds à la tête.
Il peut être associé à un scanner, réalisé dans le même temps.
Que peut-on percevoir grâce à la scintigraphie ?
L’appareil forme une image du corps entier sur laquelle des petits points matérialisent la radioactivité présente. L’équipe médicale peut ainsi voir si l’iode s’est fixé uniquement dans le cou sur les cellules thyroïdiennes restantes après l’opération (les reliquats thyroïdiens, bénins) ou s’il a été capté par des cellules thyroïdiennes cancéreuses qui ont formé des métastases dans les ganglions ou dans d’autres parties du corps.
L’iode radioactif apparaît parfois au niveau des glandes salivaires, de l’intestin ou de la vessie. Ce ne sont pas des métastases, mais l’image du trajet par lequel l’iode radioactif est naturellement éliminé de l’organisme.
Cet examen est indispensable pour évaluer la quantité et la localisation des cellules thyroïdiennes restantes. Le résultat de la scintigraphie permet aussi d’adapter votre suivi.
Comment s'organise le retour à votre domicile ?
Une fiche pratique de consignes liée à la radioactivité de votre traitement
Au moment où le traitement a été programmé, une fiche de consignes de radioprotection vous a été remise.
Cette fiche comprend toutes les informations pratiques dont vous pouvez avoir besoin sur les mesures de sécurité à adopter, pour vous et votre entourage, concernant la radioactivité liée au traitement. Cette information vous permet ainsi de programmer, avant le traitement, d’éventuelles précautions vis-à-vis des personnes que vous côtoyez.
Quels gestes adopter avant votre sortie ?
Avant votre sortie du service de médecine nucléaire, vous devez prendre une douche et vous laver les cheveux.
Une mesure de radioactivité, appelée mesure de débit de dose à 1 mètre, est généralement effectuée. Elle permet d’ajuster les consignes de radioprotection qui vous ont été données, notamment l’éloignement vis-à-vis des proches.
Des précautions particulières quelques jours suivant votre retour à domicile
À votre retour à domicile, veillez à bien respecter ces consignes. Elles sont définies par votre équipe soignante et adaptées à votre cas en fonction de la quantité d’iode 131 qui vous a été administrée.
En pratique, il faut éviter tout contact rapproché et prolongé avec des enfants ou des femmes enceintes pendant un maximum de 7 jours. La durée vous est précisée par votre médecin.
La contamination de l’entourage est limitée par une hygiène renforcée : lavage fréquent des mains, pas de partage de couverts…
Les conseils qui vous sont donnés peuvent être différents de l’information que vous pouvez trouver sur internet, par exemple. Dans tous les cas, votre équipe médicale est la mieux placée pour vous conseiller, car c’est elle qui connaît votre situation personnelle.
Quels sont les effets indésirables possibles ?
Les effets indésirables ne sont pas systématiques. De plus, ils varient selon les personnes, le type d’intervention pratiqué ou encore les effets des autres traitements du cancer.
Selon le moment où ils se manifestent, on distingue les effets indésirables à court terme et les effets indésirables à long terme.
Les effets indésirables à court terme
Des effets indésirables peuvent survenir pendant votre hospitalisation et au cours des jours suivant votre sortie de l’hôpital. Ils sont rares, limités dans le temps et sont systématiquement gérés par l’équipe médicale, notamment par la prise de médicaments.
- une inflammation des glandes salivaires (aussi appelée sialadénite aiguë) provoquée par le traitement peut entraîner des douleurs dans la bouche, en haut du cou ou au niveau des oreilles. Si nécessaire, votre équipe médicale vous prescrit des médicaments afin de limiter cette inflammation ;
- des nausées et des troubles digestifs surviennent parfois dans l’heure qui suit la prise de l’iode. L’équipe médicale vous informe à l’avance de la conduite à tenir dans ce cas. Si nécessaire, un traitement contre les vomissements et les nausées (antiémétique) vous est prescrit ;
- dans de rares cas, l’irathérapie peut entraîner une modification du goût appelée dysgueusie. Certains aliments appréciés jusqu’alors peuvent ne plus être appétissants du tout. Ce trouble est transitoire ;
- très rarement, une inflammation douloureuse d’éventuels tissus thyroïdiens restants après le traitement au niveau du cou peut survenir. Il s’agit d’une thyroïdite radique.
La plupart du temps, vous ne ressentez aucun effet du traitement une fois de retour à votre domicile.
Les effets indésirables à long terme
L’irathérapie peut entraîner un risque de fausse couche au cours des 12 mois qui suivent le traitement. Pour cette raison, il est nécessaire d’utiliser une contraception efficace pendant cette période, pour les hommes et les femmes qui ont reçu le traitement à l’iode radioactif.
Chez les femmes, le traitement par irathérapie peut causer une diminution de la fertilité, notamment après 35 ans.
Chez les hommes, lorsque le traitement à l’iode radioactif est répété plusieurs fois, une altération transitoire de la qualité du sperme peut apparaître. Il est possible de procéder à une conservation de sperme de manière préventive. Une consultation au Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) peut vous être proposée.
En savoir plus sur la préservation de la fertilité pendant le traitement d'un cancer
Dans de rares cas, l’inflammation des glandes salivaires persiste dans le temps. On parle alors de sialadénite chronique. Elle peut entraîner des troubles du goût, une sécheresse de la bouche, des gingivites (inflammations des gencives) ou des caries dentaires. Elle nécessite un avis spécialisé et parfois un traitement spécifique.
Y a-t-il un risque de second cancer après un traitement à l’iode radioactif ?
Le risque de second cancer ou de maladie hématologique provoqué par un traitement à l’iode radioactif est une question qui peut préoccuper certains patients. Ce risque est extrêmement faible. Vous pouvez en parler avec votre médecin nucléaire, qui est à même de vous donner des informations précises sur le sujet.