La surveillance des travailleurs exposés
D'après l'enquête SUMER 2010, un travailleur sur dix est exposé à au moins un agent chimique cancérogène dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui représente près de 2,2 millions de salariés. Une nouvelle édition de cette enquête est en cours. Afin d'améliorer la prise en charge des cancers professionnels, de nombreux dispositifs d'évaluation et de traçabilité de ces expositions ont été développés.
Qui sont les travailleurs exposés ?
Tous les travailleurs ne sont pas exposés de manière homogène aux facteurs cancérogènes, selon l'enquête SUMER (qui se limite aux cancérogènes chimiques). Ainsi, les secteurs les plus concernés par les expositions à ces substances étant essentiellement masculins, les hommes y sont beaucoup plus fréquemment exposés. Toutefois, les expositions des femmes aux cancérogènes en milieu professionnel font encore l'objet de peu d'investigations. Par ailleurs, de nombreux jeunes y sont exposés : 15,7 % des moins de 25 ans et 11,7 % des 25-29 ans en 2010.
Parmi les 22 grands domaines professionnels distingués dans l'enquête SUMER 2010, qui a été étendue aux agents de la fonction publique, cinq exposent tout particulièrement leurs salariés :
©INCa, d'après l'enquête SUMER 2010
Du point de vue des catégories socioprofessionnelles, les populations les moins favorisées sont globalement les plus exposées aux facteurs cancérogènes. Ainsi, sur les 2 180 000 travailleurs exposés aux cancérogènes en 2010, 47 % sont des ouvriers (qualifiés et non qualifiés), 13 % sont des employés ou professions intermédiaires et seuls 2,3 % sont des cadres ou assimilés. Par ailleurs, le risque est plus élevé pour les stagiaires et apprentis (24 %) et les intérimaires (14,2 %) que pour les personnes embauchées en CDI (10,7 %) ou en CDD (7,1 %).
La taille de l'entreprise est également un facteur d'inégalité : les salariés des TPE sont plus fortement exposés à au moins un produit chimique cancérogène (13%) que ceux des entreprises comptant plus de 500 salariés (8%). La prévention y est aussi moins développée puisque, dans les établissements de moins de 10 salariés, il n'existe pas de protection collective pour 44% des situations d'exposition à un produit chimique cancérogène, contre 25% dans les très grands établissements.
Une dernière disparité concerne le nombre de substances concernées et l'importance de l'exposition. L'enquête SUMER indique ainsi qu'environ 1 % des salariés – et 2 % pour les moins de 30 ans – sont exposés à au moins 3 agents cancérigènes dans le cadre de leur travail. Les ouvriers travaillant dans la maintenance et le BTP sont particulièrement concernés. Par ailleurs, dans 38 % des cas, les expositions sont estimées comme étant de durée et/ou d'intensité importante.
Les gaz d'échappement diesel, les huiles minérales entières, les poussières de bois et la silice cristalline sont les cancérogènes les plus fréquemment mis en cause. Ces risques se potentialisent avec d'autres facteurs cancérogènes comme tabac ou l'alcool.
Une nouvelle édition de l'enquête SUMER est en cours d'élaboration.
Les dispositifs de surveillance et de suivi des expositions professionnelles
La diminution du nombre de cancers d'origine professionnelle figure parmi les objectifs de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030.
Afin d'améliorer la prise en charge des cancers professionnels, de nombreux dispositifs d'évaluation et de traçabilité des expositions en milieu professionnel ont été développés, comme les matrices emploi-expositions (programmes Matgéné, Matphyto, etc.), les bases de données des mesures d'exposition en milieu professionnel (Colchic, Evalutil, etc.) et les cohortes (Constances, Spirale, Esprit, etc). Le réseau RNV3P (Réseau National de Vigilance et de Prévention des Pathologies Professionnelles), qui regroupe les Centres de consultation de pathologies professionnelles, recueille les données concernant toutes ces pathologies, dont les cancers. Le rapport Lejeune, publié en 2008, rassemble des propositions d'action quant à la traçabilité des expositions professionnelles.
Les recommandations de bonnes pratiques
Différentes recommandations de bonnes pratiques ont été élaborées par la Haute Autorité de santé (HAS) à destination des professionnels de la santé au travail :
- des recommandations pour le dossier médical en médecine du travail visant à améliorer la qualité des informations permettant d'évaluer le lien entre l'état de santé du travailleur et le(s) poste(s) et conditions de travail actuelles et antérieures, en décembre 2009 ;
- les recommandations de la commission d'audition sur le suivi post-professionnel après exposition à l'amiante, diffusées en avril 2010.
La Société française de médecine du travail (SFMT) a également publié plusieurs recommandations concernant la surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés, ou ayant été exposés, à différents cancérogènes professionnels :
- les agents cancérogènes pulmonaires (novembre 2015, label HAS-INCa) ;
- le travail posté et/ou de nuit (mai 2012, label HAS) ;
- les agents cancérogènes pour la vessie (mars 2012, label HAS-INCa) ;
- les poussières de bois (février 2011, label HAS-INCa).
Par ailleurs, depuis 1995, une surveillance post-professionnelle peut être mise en œuvre pour les demandeurs d'emploi et les retraités ayant été exposés au cours de leur activité professionnelle à des substances reconnues comme cancérogènes par la réglementation française.
Documents à télécharger
Liens utiles
- En savoir plus sur l’enquête SUMER 2010 sur le site du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
- Consulter le site de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)
- Consulter le site de la Société française de médecine du travail (SFMT)
- Voir les recommandations de la SFMT
- Consulter le site du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)