La consultation d'oncogénétique
Entre 5 et 10 % des cancers sont liés à la présence d’une altération génétique héréditaire. Cela signifie qu’une anomalie est présente au sein d’un gène dans toutes les cellules de l’organisme, et cela depuis la naissance. Cette altération est transmissible à la descendance. Ces situations nécessitent une surveillance et un suivi personnalisés. C’est pourquoi, selon votre histoire personnelle et familiale, une consultation d’oncogénétique peut vous être proposée.
La consultation d’oncogénétique, pour qui ?
Elle est généralement conseillée si :
- vous avez un cancer et vous comptez de nombreux cas de cancers dans votre famille ;
- vous n’avez pas d’histoire familiale de cancer, mais vous avez développé un cancer à un âge précoce ou avez été atteint de plusieurs cancers simultanément ou successivement ;
- une altération génétique constitutionnelle (héritée et présente dans toutes les cellules depuis la naissance) a été décelée chez l’un de vos proches (parents, frère, sœur ou enfants, par exemple) ;
- l’analyse de votre tumeur a déterminé la présence d’une altération au sein d’un gène pouvant avoir une origine héréditaire. Il faut alors la rechercher par une autre analyse, dite constitutionnelle. Cette analyse est réalisée à partir des cellules prélevées par une prise de sang ou un prélèvement buccal.
Pour aller plus loin : consultez le paragraphe Qui est concerné par la consultation d'oncogénétique ?
Une altération génétique est le terme générique pour évoquer la présence d’une anomalie au niveau d’un gène. Ce terme est parfois remplacé par l’expression « anomalie génétique ».
De la cellule à l'ADN
Les gènes : où les trouve-t-on et à quoi servent-ils ?
Au cœur du noyau de la cellule, les chromosomes
Les organismes, végétaux ou animaux, sont constitués de minuscules éléments : les cellules. Le corps humain est composé de plusieurs milliards de cellules de différents types (cellules de la peau, des os, du sang, par exemple). Au cœur des cellules, un noyau contient nos 46 chromosomes (23 paires avec chacune un chromosome d’origine paternelle et un chromosome d’origine maternelle). Les chromosomes correspondent à notre patrimoine génétique.
Au sein des chromosomes, les gènes
Chaque chromosome est constitué d’une molécule d’ADN (pour Acide DésoxyriboNucléique) où sont inscrits nos gènes. Un gène est donc un segment de l’ADN. Il renferme une instruction précise qui contribue au fonctionnement de chaque cellule.
L’être humain possède environ 20 000 gènes qui contiennent des informations sur son identité, lui permettent de transmettre ses particularités à sa descendance et font fonctionner ses cellules.
Le génome et les variations génétiques
Le génome représente l’ensemble de l’information génétique d’une personne. Les génomes de deux personnes sont en moyenne identiques à 99 %. Il y a donc seulement 1 % de différences entre eux. Ces différences sont appelées variations.
Ces variations, ainsi que l’interaction de la personne avec son environnement de vie, sont à l’origine du caractère unique de chaque être humain. Des variations génétiques peuvent avoir des conséquences sur le développement de certaines maladies.
Qu'est-ce qu'un cancer ?
Chaque cellule du corps naît, se divise pour donner naissance à de nouvelles cellules, puis meurt selon des instructions de fonctionnement inscrites dans son ADN et les gènes qui le composent.
Lors de sa division, la cellule fabrique une copie de son ADN pour les deux nouvelles cellules. Les gènes et l’ensemble des informations contenus dans l’ADN pour faire fonctionner les cellules sont ainsi transmis aux cellules descendantes.
Lors de cette division cellulaire, une erreur peut se produire et générer une altération génétique dans cette cellule. Cette anomalie peut être réparée ou induire la mort spontanée de la cellule. Si ce n’est pas le cas, son programme de fonctionnement peut alors être déréglé et celle-ci peut se comporter de façon anormale. Dans un second temps, la cellule anormale se développe et prolifère en formant un groupe de cellules identiques. D’autres anomalies peuvent apparaître par la suite et les cellules finissent par acquérir les caractéristiques d’une cellule cancéreuse. Cette transformation de la cellule normale en cellule cancéreuse est un processus long, qui peut durer jusqu’à des dizaines d’années.
Un cancer, c’est cela : une maladie provoquée par une cellule dont le programme se dérègle et la transforme. Elle se multiplie et produit des cellules anormales qui prolifèrent de façon anarchique et excessive. Ces cellules déréglées finissent par former une masse appelée tumeur maligne, autrement dit cancéreuse.
Tous les cancers sont donc causés par des changements qui surviennent dans les gènes de certaines cellules. La survenue de ces altérations est liée à des agressions répétées de l’ADN du fait de l’exposition à des facteurs de risque externes (comme le tabac, les rayonnements UV, l’alcool) ou due au hasard, ou encore au vieillissement. On dit alors que ces altérations génétiques sont acquises ou somatiques. On les retrouve uniquement dans la tumeur (et pas dans les autres cellules de l’organisme).
À noter : le développement d’un cancer n’est pas limité à l’accumulation d’altérations dans la cellule. La recherche a révélé que la transformation cellulaire entraîne des modifications des éléments qui entourent la cellule, son micro-environnement. Ces perturbations du micro-environnement cellulaire favorisent à leur tour la transformation de cellules normales en cellules cancéreuses.
Qu’est-ce qu’un cancer héréditaire ?
Dans certains cas, une altération génétique (aussi appelée variation génétique ou anomalie génétique), qui est héritée d’un parent et présente dès la naissance dans toutes les cellules de l’organisme, peut jouer un rôle dans la survenue d'un cancer. On parle alors de prédisposition génétique car elle est liée à la présence de ce qu’on appelle « une altération génétique constitutionnelle ».
Lorsqu’une personne est porteuse d’une altération génétique constitutionnelle, son risque de développer un cancer (lié à la présence de cette anomalie) est plus élevé que celui de la population générale. Ces cancers sont également souvent de survenue plus précoce.
Ces cancers sont parfois appelés des cancers héréditaires.
Plus de 80 gènes de prédisposition génétique à certains cancers
Aujourd’hui, la recherche en oncogénétique a déjà permis d’identifier plus de 80 gènes de prédisposition génétique à certains cancers. C’est le cas de certaines formes de cancer du sein ou du côlon chez l’adulte ou du rétinoblastome (tumeur maligne de la rétine) chez l’enfant.
Par exemple, les gènes BRCA sont 2 des gènes majeurs à l’origine d’un risque très élevé de cancer du sein et/ou de l’ovaire.
L’altération génétique est-elle toujours héréditaire ?
Dans de rares cas, l’altération génétique n’est pas héritée d’un parent, mais elle est présente dans les cellules depuis la naissance. Dans ce cas, l’anomalie génétique est survenue de façon accidentelle lors de la fabrication des gamètes (cellules de la reproduction, ovules chez la femme et spermatozoïdes chez l’homme) ou juste après la fécondation. Elle peut ensuite être transmise à la descendance.
Les 4 types d’altérations génétiques
Il existe 4 différents types d’altérations génétiques :
- la mutation;
- la translocation ;
- l’amplification ;
- la délétion.
Qui est concerné par la consultation d’oncogénétique ?
Une consultation d’oncogénétique peut être proposée à une personne atteinte de cancer ainsi qu’à ses proches, en fonction du type de cancer dont elle est atteinte et de son histoire personnelle et familiale.
La première consultation : pour le cas index
La première consultation d’oncogénétique s’adresse prioritairement à la personne qui a développé un cancer et présente des signes cliniques (c’est-à-dire des symptômes que les médecins peuvent observer aisément) évocateurs d’une prédisposition génétique : nombreux cas de cancers dans la famille, développement d’un cancer à un âge précoce ou de plusieurs cancers successivement ou simultanément. Cette personne est appelée « cas index ».
Le « cas index » est la personne qui présente la plus forte probabilité d’être porteuse d’une altération génétique constitutionnelle, au sein d’une famille chez laquelle une prédisposition génétique est suspectée.
Puis une consultation possible pour tous les membres de sa famille
Ensuite, la consultation peut être proposée à une personne qui a été informée d’une altération génétique prédisposant aux cancers chez un membre de sa famille et qui souhaite en discuter avec l’équipe d’oncogénétique. Le test alors proposé à ces apparentés consiste à déterminer s’ils sont porteurs ou non de ce même facteur de prédisposition au cancer. On parle de test ciblé.
À savoir : si l’analyse de votre tumeur a révélé la présence d’une altération génétique dans un gène de prédisposition au cancer ou si une altération constitutionnelle a été détectée chez l’un de vos proches, le test génétique vous est proposé automatiquement.
Pour en savoir plus sur les lieux de consultations d’oncogénétique, vous pouvez consulter notre dossier à ce sujet pour les professionnels de santé.
En quoi consiste la consultation d’oncogénétique ?
La première consultation d’oncogénétique est généralement effectuée par un médecin ou un conseiller en génétique. Vous êtes interrogé sur votre histoire personnelle et familiale de cancers, qui est reconstituée sous la forme d’un arbre généalogique.
Ces premiers éléments permettent d’évaluer votre risque de prédisposition génétique au cancer et de déterminer si un test génétique est justifié pour vous.
Le médecin, ou le conseiller en génétique, vous explique les enjeux et les conséquences de ce test. Il ne peut pas être réalisé sans votre consentement écrit.
Cette consultation est un moment privilégié pour aborder les questions que vous vous posez sur le cancer, l’existence d’une prédisposition héréditaire à la maladie et les risques pour vos apparentés. Tous les renseignements qui vous sont donnés lors de cette consultation vous guident dans votre choix de recourir ou non au test génétique, si l’équipe médicale estime qu’il est justifié pour vous.
Vous avez toujours la possibilité de ne pas réaliser le test génétique s’il vous est proposé, et de bénéficier d’une période de réflexion supplémentaire avant de vous engager dans cette démarche.
Vous pouvez aussi bénéficier de l’aide de psychologues pour vous accompagner.
Comment réalise-t-on un test génétique et comment recherche-t-on une altération génétique ?
Deux modalités existent pour rechercher une altération génétique :
- soit à partir des cellules sanguines ou buccales, prélevées par une prise de sang ou un prélèvement buccal le plus souvent. Il s’agit d’une analyse constitutionnelle ;
- soit à partir d’un fragment de la tumeur. On parle d’analyse tumorale. L’altération identifiée dans les cellules tumorales peut également être recherchée par une analyse constitutionnelle. Si l’altération n’est pas retrouvée dans les autres cellules de la personne, on dit que l’altération est somatique, c’est-à-dire limitée à la tumeur.
La prise de sang ne nécessite pas d’être à jeun.
Les échantillons prélevés sont ensuite envoyés à un laboratoire spécialisé, qui réalise une extraction de l’ADN puis son « séquençage », c’est-à-dire un décodage des gènes et des informations qu’ils renferment.
Les données produites sont analysées par des appareils très performants, combinés à l’expertise de biologistes généticiens et de généticiens cliniciens.
Les analyses génétiques réalisées chez le cas index consistent, le plus souvent, à analyser un panel de gènes de prédisposition à certains cancers. Ces analyses génétiques sont longues et peuvent nécessiter plusieurs mois.
Chez les apparentés, le test est ciblé, c’est-à-dire qu’il ne recherche que la présence ou l’absence de l’altération génétique identifiée chez le cas index. L’analyse est alors plus simple et plus rapide.
Quels sont les résultats possibles ?
Les résultats vous sont rendus et expliqués lors d’une nouvelle consultation d’oncogénétique.
Si vous êtes le cas index, il existe trois types de résultats possibles :
-
Une altération génétique constitutionnelle entraînant une augmentation du risque de développer un cancer est identifiée. Elle nécessite un suivi spécifique.
Vous devez en informer les membres de votre famille. Un test ciblé sera proposé à vos apparentés (parents, frères et sœurs, enfants, mais aussi, selon les situations, oncles et tantes et leurs enfants) afin de déterminer s’ils sont porteurs ou non de cette même altération génétique. - Une altération génétique est détectée, mais son lien avec votre cancer n’est pas établi. Pour tenter d’en préciser la signification, d’autres examens et analyses complémentaires peuvent vous être proposés, ainsi qu’à d’autres membres de votre famille (ce qui implique toujours leur accord).
- Aucune altération génétique constitutionnelle pouvant expliquer votre maladie n’est identifiée. Le diagnostic de prédisposition génétique ne peut néanmoins pas être totalement exclu. Il se peut que l’altération en cause n’ait pas pu être détectée par les techniques actuelles ou qu’elle ne soit pas encore connue ou répertoriée comme prédisposant à la survenue du cancer. Dans une telle situation, si les antécédents personnels et familiaux sont nombreux, une surveillance adaptée est alors conseillée.
Si vous êtes un apparenté d’un cas index porteur d’une prédisposition génétique, les résultats sont de deux types :
- Le test révèle que vous êtes porteur de la prédisposition identifiée dans la famille. Vos enfants peuvent à leur tour réaliser ce test ciblé en fonction de leur âge (il faut le plus souvent être majeur) et des risques de cancer.
- Le test révèle que vous n’en êtes pas porteur. Dans ce cas, les risques de cancer sont généralement identiques à ceux retrouvés en population générale. Il n’y a aucun risque de transmission à la descendance.
La révélation d’une altération génétique n’est pas un diagnostic de cancer.
La présence d’une altération génétique constitutionnelle signale un risque plus important de cancer et non un diagnostic de cancer.
Obligation pour les cas index : informer les proches en cas de résultat positif
Si le test révèle que vous êtes porteur d’une altération génétique constitutionnelle de prédisposition à certains cancers, d’autres membres de votre famille sont susceptibles d’en être porteurs : vos parents, frères, sœurs, enfants, cousins, cousines, oncles et tantes…
Si c’est le cas, ils peuvent bénéficier de mesures de prévention et de suivi adaptées. C’est pourquoi la loi impose d’informer les autres membres de la famille.
Comment sont informés les membres de la famille ?
Vous dresserez avec votre médecin la liste des membres de votre famille à contacter.
Vous pouvez choisir de les informer directement, avec des documents d’aide à la diffusion de l’information dans la famille qui vous auront été transmis, ou demander au médecin de le faire.
Dans ce second cas, le médecin envoie aux membres de votre famille une lettre qui ne mentionne ni votre identité ni le diagnostic de la maladie, mais qui recommande de prendre rendez-vous pour une consultation de génétique. Ce choix est fait lors de la signature du formulaire de consentement, le jour de la consultation initiale de génétique. Il peut toutefois être revu le jour de la restitution du résultat.
Lors de la signature de ce formulaire, vous pouvez aussi demander à ne pas connaître les résultats de votre propre test et déléguer au médecin la transmission des informations aux autres membres de la famille.
En cas de don de gamètes, le centre d’assistance médicale à la procréation est-il prévenu ?
Si vous avez fait un don de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes), vous pouvez autoriser votre médecin à transmettre les résultats de votre test génétique au centre d’assistance médicale à la procréation, afin de prendre les mesures nécessaires pour les enfants qui seraient nés de ce don.
Si vous êtes porteur d’une prédisposition génétique à certains cancers, comment s’organise votre suivi personnalisé ?
Si vous êtes porteur d’une prédisposition génétique à certains cancers ou si vous présentez un risque très élevé de cancer sans altération identifiée (déterminé lors de la consultation d’oncogénétique), vous pouvez bénéficier d’un suivi personnalisé.
Celui-ci repose sur la surveillance et/ou, le cas échéant, sur une opération chirurgicale préventive, dite de réduction des risques, selon le type de cancers concernés.
Ce suivi étant assuré par plusieurs spécialistes (oncogénéticiens, oncologues médicaux, oncologues radiothérapeutes, radiologues, chirurgiens, psychologues…), il est coordonné et effectué dans le cadre de l’un des programmes de suivi en oncogénétique régionaux ou interrégionaux disponibles en France.
Vous pouvez choisir d’être suivi au sein des établissements associés au programme de suivi en oncogénétique auquel vous êtes rattaché ou dans d’autres établissements (non rattachés spécifiquement à ce programme).
Dans les deux cas, l’équipe qui effectue le suivi dans le cadre de ce programme doit s’assurer du recueil des résultats d’examens.