REGARD SUR… les rayons UV, ces faux amis qui en veulent à notre peau
20/07/2020
Durant l’été, les rayons UV du soleil sont plus intenses que le reste de l’année, engendrant des risques accrus de coups de soleil et de cancers de la peau. Pourquoi les UV représentent-ils un risque pour notre santé ? Comment limiter ce risque ?
Pour tout un chacun, la période estivale est synonyme de belles journées ensoleillées. La tentation est alors grande de s’exposer au soleil afin de parfaire son bronzage.
Mais saviez-vous que le bronzage est un mécanisme de défense et d’adaptation de notre peau face aux rayons UV (pour ultraviolets) émis par l’astre solaire ? Si l’on entend beaucoup parler de ces rayons, on minore souvent les risques qu’ils font peser sur nous. En France métropolitaine, les UV sont particulièrement intenses de début mai à fin août, en raison de la position de la Terre par rapport au soleil. Alors que les congés estivaux battent leur plein, lumière sur les UV avec Alice Desbiolles, médecin en santé publique et cheffe de projet au département Prévention de l’Institut national du cancer.
Pourquoi les UV sont-ils dangereux ?
Les UV induisent des lésions de l’ADN (on parle notamment de distorsions). Ces altérations de la structure de l’ADN peuvent être provoquées par des doses d’UV inférieures à celles déclenchant des coups de soleil.
Ce sont ces lésions qui entraîneront ensuite, potentiellement, un cancer de la peau.
Mais les dégâts ne s’arrêtent pas là ! Les UV provoquent également un vieillissement prématuré de la peau (tâches, rides 10 à 20 ans après l’exposition) et des atteintes oculaires (cataracte, photokératite et photo-conjonctivite). Ils affaiblissent également le système immunitaire et engendrent localement des phénomènes d’inflammation.
On peut donc développer un cancer de la peau, sans avoir reçu un coup de soleil ?
Eh oui. Les érythèmes (ce qu’on appelle « coups de soleil ») augmentent le risque de cancers, notamment de mélanome si une personne a reçu des coups de soleil dans l’enfance. Néanmoins, le risque de cancer lié aux UV est cumulatif. Les agressions ont des effets qui s’additionnent peu à peu : toute exposition aux UV accroît le risque de développer un cancer.
Le bronzage est déjà une agression de la peau. Il n’existe pas de bronzage sain.
Pourquoi les coups de soleil reçus durant l’enfance ou l’adolescence augmentent-ils le risque de cancer de la peau ?
Pour estimer son risque de cancer de la peau, la notion de capital soleil est souvent utilisée. De quoi s'agit-il ?
Ce n’est pas vraiment un terme médical mais plutôt une manière d'appréhender le risque vis-à-vis du soleil. On perçoit qu’il faut prendre soin de son capital soleil et ne pas le gaspiller : c’est ce qui est intéressant avec cette notion. Selon votre phototype, vous partez avec un capital plus ou moins important. Si vous avez un phototype I ou II, il n’est pas très grand. Il le sera beaucoup plus avec un phototype V ou VI.
Selon nos comportements, ce capital est plus ou moins préservé.
Les cancers de la peau sont-ils nombreux en France ?
Le nombre de cancers de la peau a plus que triplé entre 1980 et 2012. Il faut distinguer deux types de cancers cutanés qui peuvent être déclenchés par des expositions aux UV et dont la fréquence et la gravité sont différentes :
- Les carcinomes sont les plus fréquents : 15 à 20 fois plus que les mélanomes, mais aussi moins graves. 70 % d’entre eux sont basocellulaires : leur évolution est lente et leur malignité, très locale (c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’extension métastatique). Les autres sont des carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires. Ils sont moins courants mais peuvent avoir une extension ganglionnaire (c’est-à-dire toucher les ganglions). En revanche, les métastases restent rares.
- Les mélanomes sont les moins fréquents des cancers cutanés. Toutefois, ce sont les cancers les plus graves. En effet, les métastases sont possibles (notamment des métastases cérébrales). L’incidence (c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas) des mélanomes n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Elle est croissante entre 1980 et 2012 pour toutes les classes d’âge dès 35 ans, de 4,7 % en moyenne par an chez les hommes et de 3,2 % chez les femmes. C’est l’une des premières causes de mortalité chez les moins de 35 ans.
Pour aller plus loin, consultez notre page Qu’est-ce qu’un cancer de la peau ?
En combien d’années en moyenne un cancer de la peau peut-il se développer après une exposition ?
Cela dépend du phototype de la personne et des facteurs de risque, comme les coups de soleil reçus pendant l’enfance ! On peut dire que 20 ans après une exposition, le risque peut vraiment augmenter mais ça peut être beaucoup moins. On peut très bien développer un mélanome à 30 ans !
Le soleil est-il pour autant la seule source d’exposition aux UV ?
Non, il existe aussi des sources artificielles, comme les cabines de bronzage. Leurs UV contribuent à abîmer la peau et à augmenter le risque de cancers cutanés des utilisateurs et utilisatrices.
Pour en savoir plus sur les dangers que représentent les cabines de bronzage, consultez notre page d’informations sur le bronzage artificiel.
Y a-t-il des signes avant-coureurs auxquels être vigilant pour détecter un cancer de la peau ?
Bien sûr ! Toute apparition de taches cutanées, de grains de beauté qui changent de taille ou de forme, doit alerter et entraîner une consultation très rapidement chez un dermatologue.
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Des facteurs de risque doivent également amener à une plus grande vigilance, comme par exemple :
- des antécédents personnels et familiaux de cancer de la peau ;
- le fait d’être immunodéprimé (on est immunodéprimé lorsque le système de défense de l’organisme, le système immunitaire, est affaibli et moins résistant face aux maladies) ;
- le fait d’avoir subi des expositions fortes pendant l’enfance ;
- la présence de nombreux grains de beauté sur le corps (en particulier s’ils sont supérieurs à 50, asymétriques et avec un diamètre de plus de 50 mm) ;
- le travail en extérieur : ces personnes sont exposées toute la journée aux UV.
Les personnes à peau foncée peuvent développer des mélanomes, même si c’est plus rare. Elles doivent notamment penser au mélanome acral. Ce sont des mélanomes qui vont se situer aux extrémités, notamment au niveau des pieds. Il est nécessaire de surveiller la zone de jonction entre la peau claire et la peau plus foncée.
Pour en savoir plus sur les bons réflexes à adopter, découvrez notre infographie.
L’été, lorsqu’il n’y a plus de neige en montagne et alors qu’il y fait plus frais que dans la vallée, les rayons UV du soleil sont-ils moins forts ?
Pas nécessairement, il convient donc de consulter l’indice UV du jour (lors du bulletin météo). Les UV passent même à travers les nuages et ne sont pas liés à la chaleur. Souvent, on associe les risques liés aux UV au fait d’être en maillot de bain à la mer, mais la montagne aussi, y compris l’été, peut représenter un risque. En altitude, l'épaisseur de l'atmosphère qui filtre les rayons UV est moindre. Il faut savoir que l'indice UV augmente d'environ 10 % pour 1 000 m d'altitude. En été, à 3 000 mètres d’altitude, on peut tout à fait être confronté à des indices UV dépassant les 12, même s’il fait plus frais.
A noter, la neige en montagne l’hiver (les glaciers en été) ou l’eau et le sable à la mer représentent des milieux particuliers qui favorisent la réverbération des UV et appellent à une plus grande vigilance.
Et à altitude égale, subit-on la même exposition aux UV, que l’on soit en ville ou à la campagne ?
Les surfaces réfléchissantes sont plus présentes dans les zones urbanisées. Or, elles augmentent l’intensité des UV. D’où l’importance d’un urbanisme raisonné, qui favorise l’ombre dans l’espace public, afin que l’on puisse être protégé des UV sans même avoir à y penser. C’est ce qu’on appelle la prévention passive.
Pour casser une idée reçue, peut-on bronzer avec de la crème solaire d’indice 50 ? Même en s’exposant après 16 h ?
Bien sûr, on peut bronzer avec une crème solaire d’indice 50 ! La capacité à bronzer dépend essentiellement du phototype. Si vous avez un phototype I ou II, ça va être plus difficile de bronzer, avec ou sans crème solaire.
Il est tout à fait possible de bronzer après 16h. Le bronzage apparaîtra en général 3 jours après l’exposition. Il est induit par les UVB qui entraîneront une pigmentation adaptative de la peau.
Je rappelle que le bronzage est déjà un marqueur de l’agression des cellules et de l’ADN. Il signifie que la peau va être abîmée à court, moyen et long terme. La crème solaire protège de l’érythème (le coup de soleil) mais pas des lésions de l’ADN et donc, des cancers cutanés. Encore une fois, il n’existe pas de bronzage sain.
Et pourtant on dit qu'il est bon de prendre le soleil. Est-ce vrai ?
Notre exposition au soleil va favoriser la production d’une vitamine, la vitamine D. Celle-ci joue un rôle dans la minéralisation osseuse : la vitamine D aide à fixer des éléments minéraux indispensables pour notre squelette, comme le calcium et le phosphore sur nos os. Elle nous permet d’être en bonne santé.
Une exposition au printemps, en été jusqu'au début de l'automne de 5 à 10 minutes par jour, du visage et des avant-bras suffit à produire de la vitamine D.
Pour limiter les risques liés aux UV, est-ce qu’il existe d’autres moyens, comme l’alimentation, qui pourraient jouer un rôle protecteur contre les cancers ?
On sait que les UV vont entraîner des phénomènes d’inflammations locales et d’oxydation. Une alimentation saine et équilibrée est dans tous les cas un bon moyen de prévention contre le cancer en général.
Mais à ce stade, il n’y a pas de recommandations officielles sur des aliments qui seraient protecteurs contre le cancer de la peau.
L’utilisation du gel hydroalcoolique, à laquelle les recommandations de santé publique nous invitent en cette période de COVID-19, est-elle dangereuse si l’on s’expose au soleil ? Quels conseils d’utilisation peut-on suivre ?
De manière générale, il faut éviter de mettre des cosmétiques sur une peau que l’on va exposer au soleil. Mais les solutions hydroalcooliques concernent des zones très localisées, à savoir les mains. Il faut donc éviter de les exposer de façon prolongée, sans protection, car le gel pourrait favoriser les coups de soleil. Son utilisation n'est par exemple pas utile à la plage, lorsqu'on est uniquement en contact avec ses propres affaires. Il convient aussi d'être vigilant à utiliser des gels avec une formule certifiée, ceux avec parfums pouvant par exemple être plus agressifs.
Si possible, mieux vaut se laver les mains avec de l’eau et du savon lorsque l’indice UV est élevé.
Pour rappel, face au coronavirus, pour se protéger et protéger les autres, il convient de continuer à respecter les gestes barrières :
- se laver très régulièrement les mains ;
- tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir ;
- utiliser un mouchoir à usage unique et le jeter ;
- saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades.
Une dernière question plus experte : comment les UV peuvent-ils provoquer des cancers de la peau plusieurs années après l’exposition ?
Plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine de ces cancers.
Les phénomènes d’inflammation locale pourraient contribuer à l’apparition de tumeurs cutanées.
Les UV ont un effet génotoxique, c’est-à-dire toxique pour le génome et l’ADN : ils favorisent les mutations au niveau de l’ADN (en encourageant les mutations de base thymine en cytosine).
De plus, les UVA atteignent les couches plus profondes de l’épiderme et du derme. Les lésions à l’ADN liées aux UVA sont moins facilement réparables par les mécanismes de réparation des brins d’ADN de l’organisme.
Les comportements à adopter pour réduire les risques de cancer de la peau mais aussi protéger sa peau du vieillissement prématuré, des taches et des rides.
Pour rappel, les risques liés aux UV sont valables tout au long de l’année :
• privilégier l’ombre ;
• éviter de s’exposer aux heures les plus chaudes de 12 h à 16 h. (Il faut savoir que ces heures dépendent aussi de l’altitude et de la zone géographique. Les indices UV donnés par les bulletins météo sont de bons indicateurs de l’intensité des rayons UV pour adapter ses activités).
Si l’on doit s’exposer, il est essentiel de le faire de façon raisonnable et de :
• porter des vêtements longs et amples s’il fait chaud ;
• porter un chapeau à bords larges (au moins 7 cm de bord) et éviter les casquettes qui ne protègent pas la nuque et les oreilles (les carcinomes des oreilles existent) ;
• mettre/porter des lunettes de soleil ;
• en dernier ressort, utiliser de la crème solaire sur les parties découvertes du corps, essentiellement mains et visage.
Redoubler de vigilance pour les enfants et les bébés
Ces recommandations s’appliquent tout particulièrement aux enfants, avec lesquels il est nécessaire de redoubler de vigilance car ils sont dotés d’une peau plus fragile, avec un système pigmentaire encore immature.
Les bébés de moins d’un an ne doivent surtout pas être exposés au soleil.
Lexique
L'Indice UV (aussi dit index UV) est un indice universel pour mesurer l’intensité du rayonnement ultraviolet du soleil en fonction du risque qu’il représente pour la santé : risques de lésions cutanées et oculaires. Il conditionne la protection nécessaire. Il est ainsi, en général, de 7 à 8 en Europe l’été mais il peut dépasser les 10 en haute montagne ou sous les tropiques !
UVB, UVA, de quoi parle-t-on ?
Au soleil, nous sommes exposés à deux types de rayons UV :
- les UVA, capables de pénétrer profondément dans la peau, sont notamment responsables de son vieillissement prématuré. Ils peuvent provoquer le développement de cancers cutanés ;
- les UVB, principaux responsables des coups de soleil, sont près de 1 000 fois plus puissants que les rayons UVA. Ils ne traversent pas les nuages, contrairement aux UVA, mais peuvent aussi provoquer des cancers cutanés.
D’une personne à l’autre, la sensibilité de la peau face au soleil est cependant différente. On parle souvent de phototypes pour classer les différentes natures de peau. Pour en savoir plus sur les différents phototypes, retrouvez la classification de l’OMS.
Pour aller plus loin :
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Pour en savoir plus, consulter notre page dédiée aux travailleurs en extérieur.
- Le point du World Cancer Research Fund sur les liens entre nutrition et cancer de la peau (en anglais)
- Les recommandations sanitaires associées aux index UV du Haut Conseil de la santé publique (HCSP)