Gliomes cérébraux en rechute : une étude financée par le PHRC-K ouvre la voie à de nouveaux traitements d’immunothérapie

28/11/2024

Publics cibles : Professionnels de la recherche
Thèmes : Recherche

Les gliomes de haut grade mutants IDH sont des tumeurs du système nerveux central rares et agressives de mauvais pronostic. Face à des options thérapeutiques limitées pour les patients en rechute, souvent jeunes et lourdement handicapés par leur maladie, des recherches sont entreprises sur les traitements innovants, notamment en immunothérapie

L’étude REVOLUMAB, un essai clinique de phase 2 financé en 2016 par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) via le Programme hospitalier de recherche clinique cancer (PHRC-K) piloté et géré par l’Institut national du cancer (INCa), a exploré une approche d’immunothérapie innovante en traitant ces gliomes récidivants avec du nivolumab. Cet essai ouvre des pistes prometteuses pour stimuler la réponse immunitaire. Il a également permis de démontrer la pertinence de la structuration française des réseaux cancers rares pour accélérer la recherche et le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les patients concernés.

Trois questions au Dr Caroline DEHAIS, neuro-oncologue, praticien hospitalier au sein du Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et coordinatrice de cette étude.

Dr Caroline Dehais

Quelles sont les caractéristiques des gliomes de haut grade mutants IDH en rechute ?

Les tumeurs du système nerveux central (SNC) sont rares : environ 2 000 nouveaux cas par an en France ; les gliomes, qui se développent à partir des cellules gliales, en constituent la majorité. Au sein de ces gliomes, on distingue deux grands groupes selon le statut mutationnel de la protéine IDH, impliquée dans le métabolisme cellulaire.

Les gliomes "mutants IDH", objets de notre étude, sont souvent diagnostiqués chez des patients âgés de 25 à 50 ans. Ces tumeurs sont de meilleur pronostic et répondent mieux aux traitements initiaux, généralement une chirurgie puis une radiochimiothérapie. Néanmoins, ces patients souffrent de symptômes lourds et de séquelles importantes : crises d’épilepsie, handicap moteur, perte visuelle, troubles du langage ou de la cognition, qui sont souvent irréversibles du fait de l’emplacement de la tumeur et de l’œdème qui l’entoure. Les traitements permettent, au mieux, de stabiliser ces signes.

La rémission après traitement peut durer plusieurs années, mais les patients finissent toujours par rechuter A la rechute, il n’y a pas de standard de traitement : lorsque la chirurgie ou une nouvelle irradiation ne sont plus envisageables, les options thérapeutiques sont limitées. On a donc recours aux essais cliniques. Dans ce contexte, nous avons conçu et réalisé REVOLUMAB, un essai destiné aux patients ayant un gliome "mutant IDH" de grade 3 ou 4, en rechute après un traitement par radio- et/ou chimiothérapie.

Quels ont été les objectifs de l’étude REVOLUMAB et comment s’est-elle déroulée ?

L’étude REVOLUMAB, un essai de phase 2 financé par le PHRC-K en 2016, visait à évaluer l’efficacité du nivolumab, une immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle, en espérant que l’hypermutation des gliomes traités [c’est-à-dire les nombreuses modifications génétiques qui apparaissent dans les gliomes après les traitements, NDLR] puisse susciter une réponse immunitaire. En effet, quand ces tumeurs ont déjà été soumises à une chimiothérapie, elles mutent davantage, ce qui provoque l’apparition d’antigènes et peut permettre au système immunitaire de réagir.

Ce projet multicentrique a impliqué sept centres du réseau POLA/RENOCLIP-LOC (premier réseau "cancers rares" en neuro-oncologie labellisé par l’INCa en 2009) et a inclus 42 patients, dont 39 ont finalement reçu le traitement. Ces patients, d’un âge médian de 43 ans, avaient préalablement reçu de la radiothérapie et au moins deux lignes de chimiothérapie. Le protocole a consisté en des perfusions bimensuelles pendant quatre mois, puis mensuelles pour les patients répondant au traitement, pendant une durée totale de traitement de 1 an. Le critère de survie sans progression était estimé avec un suivi clinique et par IRM tous les deux mois.

Quels sont les résultats de cette étude et quelles suites pourraient lui être données ?

Sur les 39 patients traités, dont plus de la moitié étaient déjà en progression au moment de leur inclusion, notre étude n’a pas atteint son objectif principal de survie sans progression à six mois : seuls 28 % des patients étaient stables ou en réponse. Toutefois, 17 patients (44 %) ont présenté une stabilisation (13) ou une réponse partielle (4), avec une durée médiane sans progression de huit mois : ce n’est pas mieux, mais pas moins bien que le traitement de référence. Nous avons tâché de trouver des marqueurs simples pour distinguer ces patients des autres, sans succès pour le moment. Autre point important : une bonne tolérance au traitement, sans altération notable de la qualité de vie, ce qui est crucial dans cette population de patients jeunes et souvent très handicapés par leur cancer.

Au final, même si le critère principal retenu pour REVOLUMAB, à savoir la survie sans progression, est négatif, ce traitement a permis de maintenir une stabilisation de la tumeur pendant quelques mois chez 44 % des patients inclus, ce qui n’est pas négligeable au vu du mauvais pronostic des gliomes mutés IDH en rechute. Nos résultats, publiés notamment dans l’European Journal of Cancer en mai 2024, confirment la complexité de l’environnement immunitaire des gliomes. De futures études sur la combinaison d’inhibiteurs de points de contrôle avec d’autres thérapies ciblées, telles que les inhibiteurs de mutation IDH, pourraient représenter une voie prometteuse pour stimuler davantage la réponse immunitaire.

« Je souhaite aussi saluer la remarquable dynamique de la structuration française des réseaux cancers rares labellisés et financés par l’INCa, qui nous a permis d’identifier rapidement et facilement les centres participants, de motiver le laboratoire à nous donner le produit et d’inclure les patients en moins d’un an, plus rapidement que prévu, alors qu’on l’a fait en pleine période de pandémie COVID ! La structuration de ces réseaux par l’Institut national du cancer s’avère déterminante pour accélérer la recherche et le développement de nouvelles approches thérapeutiques. »

Dr Caroline DEHAIS

Zoom : comprendre l'étude REVOLUMAB

L'étude REVOLUMAB visait à évaluer l’efficacité du nivolumab chez des patients ayant une tumeur du cerveau appelée "gliome de haut grade avec mutation de la protéine IDH", en rechute, sachant qu’il n’existe pas de traitement standard après récidive et que ces cancers sont de mauvais pronostic. Cet essai clinique a été mené sur 42 patients dans 7 centres du réseau POLA/RENOCLIP-LOC.

Le nivolumab est une immunothérapie, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un anticorps monoclonal agissant sur le système immunitaire afin de détruire la production des cellules cancéreuses.

Bien que l’étude n'ait pas atteint son objectif principal, qui était de prolonger la survie sans progression de la maladie à 24 semaines (6 mois), elle a montré que ce traitement était globalement bien toléré. De plus, un groupe de participants (17 sur 39, soit 44 %) a bénéficié d’une réponse partielle ou d’une stabilisation de leur tumeur, ce qui est encourageant pour l'avenir.

Cette recherche ouvre la voie à de nouvelles études pour améliorer les options de traitement des gliomes mutants IDH récidivants, apportant un espoir aux patients concernés.