L’Institut national du cancer renforce son effort de recherche sur les cancers de mauvais pronostic en labellisant deux réseaux de recherche d’excellence
29/05/2024
Malgré les progrès réalisés dans le traitement de nombreux cancers, certains d’entre eux demeurent de mauvais pronostic. La stratégie décennale de lutte contre les cancers inclut dans cette catégorie ceux dont la survie à 5 ans est inférieure à 33 %. Ce pronostic défavorable peut être lié à un dépistage tardif, une localisation difficile d’accès, une évolution rapide et agressive, une résistance aux thérapies ou un manque de solutions thérapeutiques spécifiques.
Tout l’enjeu, pour améliorer la survie des patients qui en sont atteints, réside dans le développement de la recherche pour accélérer la découverte de connaissances scientifiques et aboutir à des innovations thérapeutiques. La Stratégie décennale de lutte contre les cancers, dans son axe IV « Lutter contre les cancers de mauvais pronostic », s’est fixé l’objectif de mieux comprendre la maladie, son écosystème et son évolution pour trouver des solutions aux situations les plus désespérées. C’est dans ce cadre que l’Institut national du cancer annonce la labellisation, pour 5 ans, de deux premiers réseaux de recherche d’excellence : l’un dédié aux cancers du poumon, le second aux cancers du pancréas.
Améliorer significativement le taux de survie des cancers de mauvais pronostic à horizon 2030
Si la détection précoce, l’amélioration des techniques de diagnostics et les progrès thérapeutiques ont permis d’améliorer considérablement les taux de survie des personnes atteintes de cancers, certaines localisations présentent toujours un pronostic défavorable. Aussi, l’effort consacré à une amélioration de la survie pour ce type de cancer doit être plus important.
« Axe prioritaire de la stratégie décennale, l’Institut national du cancer a engagé plusieurs actions dans le champ de la recherche. Celles-ci visent à mobiliser plus largement les acteurs de la recherche afin d’offrir des solutions thérapeutiques aux patients. Ces actions intègrent la labellisation de réseaux d’excellence clinique, celle de réseaux de recherche fondamentale et translationnelle, dont les deux lauréats sont présentés ce jour, un appel à projets “High risk, High gain”, de nouvelles méthodologies et modèles d’essais cliniques (type AcSé et essais comparatifs) et un appel à projets et Sciences humaines et sociales et interventionnelles sur l’accompagnement des patients. L’ensemble de ces actions visent à contribuer à l’amélioration de la survie des patients atteints de cancers de mauvais pronostic ». Pr Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer - Thierry Breton, directeur général de l’Institut national du cancer
Fédérer les meilleures équipes de recherche fondamentale et translationnelle sur les cancers de mauvais pronostic
La labellisation de réseaux d’excellence va permettre de structurer la coordination entre toutes les équipes, pour concevoir et piloter un projet national et mener un programme de recherche intégrée fondamentale et translationnelle d’excellence.
L’objectif est de consolider les efforts de structuration de la recherche fondamentale et translationnelle en cancérologie au niveau national, en aidant à installer un réseau fédérant les meilleures équipes de recherche spécialisées sur les cancers de mauvais pronostic, avec une masse critique suffisante pour améliorer les connaissances.
Dans son appel à candidatures, l’Institut a souhaité que les équipes s’ouvrent à d’autres disciplines telles que la physique, les mathématiques, la chimie ou encore l’imagerie. Il a également intégré la nécessité, pour les projets présentés, d’assurer le continuum de la recherche fondamentale vers les applications cliniques, en y incluant la prise en compte des enjeux en sciences humaines et sociales, épidémiologiques et santé publique. La participation des patients et usagers est aussi un critère pris en compte.
Après un processus d’évaluation et de sélection par un comité d’évaluation scientifique international, deux projets, présentés ci-dessous, sont labellisés pour 5 ans. Chacun disposant d’un budget d’environ 3 millions d’euros.
Réseau COALA (Cure Oncogene-Addicted Lung Cancer) : améliorer radicalement le pronostic des cancers du poumon
« Le cancer du poumon reste un vrai défi pour les cliniciens et les chercheurs. J’ai pu voir les progrès réalisés sur la compréhension et la prise en charge de cette maladie avec l’avènement des thérapies ciblées et de l’immunothérapie. Néanmoins il est possible de faire encore mieux. Pour cela l’union des forces de recherche en présence en France sera un levier majeur. Le projet COALA, qui réunit une quinzaine de centres de recherche en France, permettra de combiner les expertises en biologie, immunothérapie, intelligence artificielle, sociologie, mathématiques, associées aux meilleures technologies disponibles afin d’apporter rapidement l’innovation vers les patients ». Coordonnateur du projet, Professeur Julien Mazières, CHU de Toulouse
Les cancers du poumon présentent un taux de survie nette standardisée à 5 ans de 20 %. Au cours des dernières décennies, une meilleure compréhension de l’évolution naturelle des cancers du poumon et de la biologie sous-jacente a conduit à de nouvelles stratégies thérapeutiques, notamment l’immunothérapie et les thérapies ciblées. Même si de telles stratégies ont clairement amélioré les résultats pour certains patients, il reste encore un long chemin à parcourir pour modifier de manière significative le pronostic global de ce cancer.
L’un des défis les plus évidents dans son traitement réside dans les thérapies ciblées. Grâce au profilage moléculaire systématique, la grande majorité des patients atteints de ce cancer bénéficient d’un séquençage à haut débit. Près de la moitié d’entre eux présentent des altérations moléculaires potentiellement ciblables.
Certaines altérations telles que les mutations EGFR, ALK, ROS1, BRAF bénéficient clairement de thérapies ciblées avec un taux de réponse et une survie sans progression de la maladie satisfaisants, mais cela ne parvient généralement pas à se traduire par une nette amélioration de la survie globale ou une guérison définitive. Cela est principalement dû à l’apparition précoce et constante de mécanismes de résistance.
Par ailleurs, certaines autres altérations, dont KRAS (qui est la plus fréquente) ou MET, ont récemment bénéficié de nouvelles stratégies thérapeutiques, mais, là aussi, avec un bénéfice limité sur les résultats.
L’objectif du réseau COALA est d’améliorer radicalement le pronostic des cancers du poumon dépendant des oncogènes en créant un réseau national abordant les problèmes suivants :
- surmonter la résistance moléculaire aux thérapies ciblées dans le cancer du poumon hautement dépendant des oncogènes (EGFR, ALK, ROS1, BRAF) en ciblant la maladie résiduelle ;
- améliorer le ciblage moléculaire des altérations difficiles à traiter (KRAS, MET) ou des biomarqueurs émergents (RET, NRG1, BRAF nonV600E) ;
- aborder le rôle de l'environnement immunitaire et non immunitaire dans le cancer du poumon avec addiction afin d'affiner le rôle de l'immunothérapie et des agents non ciblés ;
- étendre nos découvertes et hypothèses sur le cancer du poumon à un stade précoce afin d'améliorer le potentiel de guérison radicale du CPNPC dépendant des oncogènes ;
- développer des outils innovants pour aborder et valider spécifiquement nos hypothèses ;
- aborder l'aspect sociologique de la construction d'un tel réseau incluant de multiples partenaires ;
- harmoniser et organiser les bases de données clinico-biologiques pour alimenter l'ensemble des projets ;
- créer un consortium autour de la thématique incluant des patients, des partenaires académiques et industriels ;
- diffuser les connaissances pour informer la communauté et regrouper davantage de chercheurs pour aider la recherche sur le cancer du poumon à franchir une nouvelle étape en France.
Le réseau COALA (Cure Oncogene-Addicted Lung Cancer) a pour but de fédérer les centres d'expertise en France autour de ce projet ambitieux. Sous la coordination du Professeur Julien Mazières, il se structure autour de 15 institutions et 9 équipes associées réparties sur l’ensemble du territoire.
Réseau FRAP (French Research network Against Pancreatic Cancer) : s'attaquer aux obstacles qui entravent l’avancée des équipes de recherche
« La labellisation du réseau de recherche FRAP (réseau Francais de Recherche sur l’Adénocarcinome du Pancréas) par l’Institut national du cancer est une étape importante dans la reconnaissance de la grande qualité des équipes de recherche françaises sur le sujet. Le réseau FRAP va favoriser l’interaction entre les équipes pour mener à bien des projets risqués et ambitieux afin de mieux comprendre et traiter cette maladie. FRAP permettra aussi en coordination avec les équipes cliniques et les associations de patients de mieux faire connaitre les enjeux spécifiques de ce cancer, de replacer les patients et leurs attentes au cœur des projets de recherche et de diffuser rapidement les connaissances ». Coordonnateur du projet, Professeur Jérôme Cros, AP-HP hôpital Beaujon
L'adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC) est une maladie dévastatrice, dont le taux de survie à 5 ans reste inférieur à 10 %. Ce mauvais pronostic est lié à une détection tardive, une chimiorésistance majeure et la dégradation rapide du patient avec une cachexie avancée, empêchant la chirurgie ou la chimiothérapie.
Les équipes françaises de recherche sur le cancer du pancréas sont leaders dans leur domaine, qu'il s'agisse d'équipes de recherche fondamentale identifiant de nouvelles cibles et des mécanismes de résistance tumorale, d'équipes de recherche translationnelle développant des thérapies innovantes et des signatures prédictives permettant pour la première fois d'envisager véritablement une médecine personnalisée dans le PDAC, ou encore d'équipes de recherche clinique menant des essais changeant les pratiques. Cependant, ces équipes sont confrontées à plusieurs défis :
les ressources biologiques et bioinformatiques sont dispersées dans des centres distincts des équipes de recherche fondamentale, ce qui empêche l’étude d’échantillons humains et le transfert efficace des résultats vers la clinique ;
la biologie qui sous-tend des caractéristiques clés telles que la résistance et la cachexie n'est pas bien comprise, ce qui empêche la mise en œuvre de traitements appropriés ;
les besoins et les attentes des patients ne sont pas suffisamment pris en compte dans la conception des projets de recherche et des essais cliniques.
L'objectif du réseau FRAP (Réseau Français de Recherche contre le Cancer du Pancréas), composé de 15 équipes de recherche, est de s'attaquer à ces obstacles à travers trois programmes de recherche intégrés (IRP) :
- l'IRP1 structurera les ressources biologiques françaises en lien avec le PDAC à travers un hub sous l'égide de la biobanque nationale BACAP financée par l’Institut national du cancer. Le hub assurera l'harmonisation au sein du réseau des pratiques pour le matériel dérivé du patient et offrira à la communauté des chercheurs un catalogue commun. La plateforme collectera, nettoiera et normalisera les données bioinformatiques publiques complexes afin de les proposer par le biais d'interfaces faciles d’utilisation. Enfin, le hub favorisera l'accès et l'utilisation de tous les échantillons français issus d'essais cliniques grâce à un catalogue unifié des ressources GERCOR-FFCD-UNICANCER ;
- l'IRP2, consacré à la science fondamentale guidée par des questions cliniques cruciales, fournira une analyse multi-échelle du PDAC avec une meilleure compréhension de l'impact de l'exposome sur le développement du PDAC afin d'améliorer la sélection des patients dans les programmes de surveillance, suivie d'une étude intégrative des mécanismes de résistance liés au dialogue cellules tumorales-microenvironnement. Enfin, l'impact du PDAC sur le métapatient sera étudié, pour comprendre comment la tumeur affecte biologiquement le métabolisme conduisant à la cachexie, puis pour définir avec les patients les déterminants clés de la qualité de vie afin de concevoir des essais cliniques centrés sur leurs besoins ;
- l'IRP3 visera à mieux intégrer la recherche dans les essais cliniques, en accélérant le transfert des connaissances de l'IRP2 pour développer des biomarqueurs prédictifs utilisables en pratique clinique et des thérapies. Enfin, les essais cliniques et leurs études ancillaires seront améliorés grâce à un comité translationnel pluridisciplinaire et à de nouveaux critères de jugement composites centrés sur les patients et leurs besoins.
Sous la coordination du Professeur Jérôme Cros, le réseau FRAP se structure sur l’ensemble du territoire, autour de 15 institutions principales et 7 équipes associées.
Localisation | Incidence | Mortalité | Taux de survie nette standardisée à 5 ans*** |
Poumon | 52 777** | 33117* | 20% |
Œsophage | 5 445* | 3 725* | 17% |
Foie | 10 580* | 8 697* | 18% |
Pancréas | 14 184* | 8 184* | 11% |
Leucémie aigüe myéloïde | 3 428* | 27% | |
Système nerveux central | 5 910** | 26% | |
Estomac | 6 557* | 4 272* | 30% |
* Données d'incidence et de mortalité, publication 2018
** Projections d’incidence pour l’année 2023
*** Survie des personnes atteintes de cancers, publication 2020
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