Les autorisations de traitement du cancer
Pour traiter les personnes atteintes de cancer, les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, y compris les centres de radiothérapie libéraux, doivent disposer d’une autorisation spécifique délivrée par leur Agence régionale de santé (ARS). L’objectif est de garantir la meilleure qualité et la meilleure sécurité pour le traitement des patients atteints de cancer, sur l’ensemble du territoire.
Le dispositif d’autorisation, issu d’un travail commun du ministère de la Santé, de l’Institut national du cancer, des fédérations hospitalières, des professionnels de santé et de la Ligue contre le cancer, repose sur un cadre juridique spécifique, défini en 2007.
L’évolution rapide des techniques de traitement du cancer et des modalités d’accompagnement des patients exige la redéfinition des critères d’agrément des établissements pratiquant la cancérologie afin d’améliorer encore la qualité et la sécurité des soins. Cette révision vise à garantir aux patients l’accès à une offre de soins adaptée à leurs besoins.
Engagée à la demande du ministère en charge de la Santé, la définition de ce nouveau régime des autorisations a donné lieu à un travail d’expertise conduit par l’Institut national du cancer, avec la participation de la Haute autorité de santé et d’usagers du service de santé, en s’appuyant sur les professionnels de santé et les acteurs de terrain (ARS et fédérations hospitalières).
Le dispositif d’autorisation repose sur trois piliers :
- des critères transversaux de qualité s’appliquant à toute modalité de traitement du cancer ;
- des critères spécifiques à chaque modalité de traitement du cancer ;
- des seuils d’activité minimale annuelle à atteindre pour certains traitements et types de cancer.
Les critères transversaux de qualité
Ces critères sont fondés sur l’objectif d’apporter un soin global à la personne malade dès le diagnostic initial. Ils s’appliquent à l’ensemble des pratiques thérapeutiques visées par le dispositif d’autorisation. Leur respect est donc obligatoire pour tous les établissements de santé autorisés au traitement du cancer, quelle que soit la modalité de traitement.
Les établissements de santé autorisés au traitement du cancer doivent :
- disposer d’une organisation permettant la discussion du dossier de chaque patient en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ;
- assurer à chaque patient l’annonce du diagnostic de cancer et d’une proposition thérapeutique fondée sur la concertation pluridisciplinaire, selon les modalités définies par l’Institut national du cancer. Cette proposition thérapeutique se voit traduite dans un programme personnalité de soins remis au patient ;
- assurer l’annonce de la proposition de décision thérapeutique qui intègre une information sur les effets secondaires temporaires ou permanents, l’impact sur la qualité de vie et, s’il y a lieu, sur la préservation de la fertilité, sur la chirurgie reconstructrice et sur la consultation d’oncogénétique ;
- être membre d’un dispositif spécifique régional du cancer (DSRC, ex- Réseau régional de cancérologie) ;
- organiser l’évaluation des besoins et l’accès aux soins oncologiques de support nécessaires aux patients (enfant/adulte), faciliter l’accompagnement et l’orientation du patient à ces soins au plus près de son lieu de vie ; favoriser le soutien psychologique des aidants ou des proches du patient ; organiser l’accès des patients aux soins palliatifs ;
- assurer la continuité du traitement s’il y a lieu, la coordination des soins des patients qu’il traite ;
- favoriser l’accès aux traitements innovants et aux essais cliniques ;
- être reconnu comme plateforme hospitalière de génétique moléculaire des cancers par l’Institut national du cancer, ou être en coopération avec un autre établissement de santé autorisé et reconnu comme plateforme, afin de pouvoir procéder à des examens génétiques des tumeurs ou des examens moléculaires sur les tumeurs ;
- assurer à chaque patient, le cas échéant, un accompagnement et un accès, au plus près de son lieu de vie, aux techniques de préservation de la fertilité ;
- réaliser des traitements conformes aux recommandations ou référentiels de bonne pratique clinique ;
- recueillir et transmettre annuellement à l’agence régionale de santé et à l’Institut national du cancer des indicateurs anonymisés de suivi de la qualité de sa pratique de l’activité de soins ;
- proposer systématiquement au patient de l’orienter vers l’établissement autorisé le plus proche de son lieu de vie disposant de la ou des modalités de traitement conformes à la proposition thérapeutique formulée par la RCP.
Cas particuliers :
- Cancers pédiatriques : soumettre le dossier médical de tout enfant, adolescent de moins de 18 ans, atteint de cancer à la réunion de concertation pluridisciplinaire pédiatrique interrégionale (RCPPI) ;
- Radiothérapie : garantir à chaque patient une coordination du suivi post-traitement de radiothérapie ;
- Cancers rares : s’assurer que le traitement par chirurgie oncologique de tout cancer rare suspecté se fasse conformément à l’organisation spécifique dédiée « cancer rare » ;
- Pathologie ou situation complexe : s’assurer qu’un patient nécessitant une intervention pour une pathologie ou une situation complexe soit adressé à une équipe ayant les compétences et la capacité technique adaptées, après avis d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) de recours ;
- Oncogériatrie : organiser l’évaluation gériatrique et proposer un traitement adapté aux personnes âgées à risque ou en perte d’autonomie atteintes de cancer.
Les critères spécifiques à chaque modalité de traitement du cancer
L’autorisation d’activité de soins de traitement du cancer est accordée pour l’une ou plusieurs des modalités suivantes :
- la chirurgie oncologique ;
- la radiothérapie externe, la curiethérapie ;
- les traitements médicamenteux systémiques du cancer.
La gradation des soins a été introduite dans la nouvelle réforme des autorisations, pour la chirurgie oncologique et les traitements médicamenteux systémiques du cancer (TMSC). Cette notation de gradation des soins permet de répondre aux impératifs de qualité et de sécurité des soins, tout en offrant un accès au plus proche des lieux de vie.
Les nouveaux décrets renforcent considérablement les obligations opposables pour les chirurgies oncologiques complexes : RCP de recours ; exigences en termes d’équipes pluridisciplinaires ; exigences en termes de plateaux techniques et en soins critiques. Pour les TMSC, la gradation consiste en l’autorisation des sites pratiquant les chimiothérapies intensives entraînant des aplasies prévisibles de plus de 8 jours et assurant la prise en charge de ces aplasies.
La chirurgie oncologique
La chirurgie oncologique comprend la chirurgie conservatrice, le curage ganglionnaire, la chirurgie radicale, la chirurgie de résection tumorale macroscopiquement complète en cas de carcinose péritonéale, la chirurgie des métastases, les techniques de destruction tumorale non percutanée, la chirurgie de reconstruction immédiate dans le même temps opératoire que l’exérèse, ainsi que la chirurgie de la récidive.
L’autorisation comportant la modalité de chirurgie oncologique est accordée aux établissements autorisés à exercer l’activité de soins de chirurgie. Celle d’exercer pour l’enfant et l’adolescent de moins de dix-huit ans ne peut être accordée que pour les établissements également autorisés à la modalité de traitements médicamenteux systémiques du cancer chez l’enfant et l’adolescent de moins de dix-huit ans.
La radiothérapie externe et la curiethérapie
L’autorisation d’activité de soins porte sur les traitements de radiothérapie externe ou de curiethérapie chez l’adulte et chez l’enfant et l’adolescent de moins de 18 ans.
Les traitements médicamenteux systémiques
Les traitements médicamenteux systémiques du cancer regroupent la chimiothérapie, les thérapies ciblées, l’immunothérapie et les médicaments de thérapie innovante, quelles que soient les voies d’administration.
L’autorisation d’activité de soins porte sur :
- les traitements médicamenteux systémiques du cancer chez l’adulte, les chimiothérapies intensives entraînant une aplasie prévisible de plus de huit jours et le traitement de cette aplasie prévisible ;
- les traitements médicamenteux systémiques du cancer chez l’enfant et l’adolescent de moins de dix-huit ans, y compris les traitements médicamenteux intensifs entraînant une aplasie prévisible de plus de huit jours et sa prise en soins.
Pour plus d’informations :
- Décret n° 2022-689 du 26 avril 2022 relatif aux conditions d’implantation de l’activité de soins de traitement du cancer
- Décret n° 2022-693 du 26 avril 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité de soins de traitement du cancer
Les seuils d'activité minimale annuelle
La pratique suffisante et régulière d’une équipe pour assurer un traitement de qualité a justifié la mise en place des seuils annuels d’activité ou des modalités de traitement que les établissements pratiquent.
Ces seuils d’activité minimale annuelle sont déterminés afin d’améliorer la qualité et la sécurité des soins destinés aux patients atteints de cancer, tout en veillant à conserver l’accessibilité de l’offre de soins.
Ces dernières années, l’Institut a engagé un travail d’expertise pour réviser ces seuils d’activité minimale. La littérature a permis de mettre en évidence, pour certains cancers, l’existence d’une relation entre le volume d’activité réalisé par un établissement pour ce(s) cancer(s) et la réduction de la mortalité, de la survenue ou de la sévérité de complications, voire une augmentation de la survie chez les patients ayant reçu un traitement anticancéreux (radiothérapie, médicaments anticancéreux systémiques et, principalement, chirurgie oncologique).
Selon une étude publiée en 2014, incluant 11 865 patientes, combiner un haut volume d’activité par établissement de soins et par chirurgien améliore de façon significative la survie des patientes atteintes d’un cancer avancé de l’ovaire par comparaison avec un faible volume d’activité par établissement et par opérateur.
L’Institut national du cancer a donc fait évoluer sa méthode de calcul des seuils, en s’intéressant exclusivement à l’activité d’exérèse (opération qui consiste à retirer une anomalie, une tumeur, une partie d’organe ou l’organe entier) en chirurgie oncologique, conformément à la nouvelle approche réglementaire du traitement des cancers autorisés. Cette nouvelle méthode permettra de corriger l’effet de la sous-estimation ou de la surestimation de l’activité chirurgicale des cancers.
En effet, l’ancienne méthode comptabilisait parfois des séjours au cours desquels l’acte chirurgical effectué n’était pas une exérèse. Par exemple la pose d’une stomie d’alimentation avec un diagnostic principal de cancer du poumon était comptabilisée comme une chirurgie thoracique qui n’était pas une chirurgie d’exérèse en soi. Le nouvel algorithme de calcul à l’avenir prévoira de comptabiliser le nombre d’hospitalisations avec acte de chirurgie d’exérèse selon la liste de l’Institut.
L’autorisation de traitement du cancer ne peut être délivrée, maintenue ou renouvelée que si l’établissement de soins autorisé respecte sur son site géographique une activité minimale annuelle.
Notice technique pour la mesure d'activités soumises à seuils (2023) - PDF 2,47 Mo
- Pour la chirurgie des cancers, l’activité minimale annuelle de l’établissement est fixée à :
- 70 interventions par an pour la chirurgie des cancers du sein (seuil relevé) ;
- 30 interventions par an pour la chirurgie oncologique viscérale et digestive. Parmi ces seuils de la chirurgie oncologique viscérale et digestive, de nouveaux seuils par organe digestif ont été instaurés au regard de la complexité de leur traitement : 5 interventions par an pour le cancer de l’œsophage et de la jonction gastro-œsophagienne, 5 pour le traitement du cancer de l’estomac, 5 pour le traitement du cancer du foie, 5 pour le cancer du pancréas et 5 pour le cancer du rectum) ;
- 30 interventions par an pour la chirurgie des cancers urologiques ;
- 40 interventions par an pour la chirurgie oncologique thoracique (seuil relevé) ;
- 20 interventions par an pour la chirurgie des cancers gynécologiques (hors cancer du sein et de l’ovaire) ;
- 20 interventions par an de chirurgie de cytoréduction complète pour le traitement du cancer de l’ovaire ;
- 20 interventions par an de chirurgie ORL, cervico-faciale et maxillo-faciale ;
- pas de seuil minimal pour la chirurgie des autres types de cancer ;
- pour la radiothérapie externe : le seuil d’activité minimal reste inchangé et est d’au moins 600 patients traités par radiothérapie externe chaque année. Il n’y a pas de seuil pour le traitement par curiethérapie ;
- pour les traitements systémiques des cancers : le seuil d’activité minimale est fixé à au moins 100 patients traités par an, dont au moins 65 injections intraveineuses en ambulatoire (hospitalisation de jour) (seuil relevé).
Proposition d'évolution des critères d'agrément des établissements de santé pour le traitement du cancer
Le rapport d’expertise présenté ci-dessus a été transmis au ministère pour la préparation des décrets et arrêté encadrant l’activité de soins de traitement du cancer soumise à l’autorisation de l’agence régionale de santé sont parus le 26 avril 2022.
D’éventuels écarts pourront être constatés entre les propositions de l’Institut et ce qui en a résulté dans les décrets d’autorisation. Il s’agira alors de mesures qui feront l’objet, soit de travaux ultérieurs, soit de propositions déjà menées dans d’autres cadres que celui des autorisations sanitaires.
Les études d’impacts qui sont présentées utilisent des données portant sur l’analyse d’activité des établissements de santé entre 2015 et 2017. Il faut aussi préciser que, dans le chapitre 10, le nombre d’établissements autorisés affiché est celui de 2020. Il a pu évoluer depuis. De même, l’activité considérée dans le présent rapport représente une « photographie » de l’activité observée entre 2015 et 2017, elle a donc évolué depuis, et peut par ailleurs avoir été sous-estimée pour certains établissements, notamment du fait du constat d’un codage incomplet de l’activité desdits établissements, pratique qui a pu être corrigée depuis.
Une réorganisation des offres de soins est attendue avec l’application des nouveaux seuils d’activité. Le parcours du patient vers l’établissement le plus proche de chez lui a également été étudié dans les études d’impact. Ainsi, le temps du trajet devrait rester globalement stable pour les patients recevant des traitements médicamenteux systémiques du cancer. En revanche, on observe une légère augmentation du temps de trajet pour les patients traités par chirurgie digestive pour lesquelles des nouveaux seuils ont été introduits. On constait également une hausse du temps de trajet significatif pour les patientes atteintes de cancer de l’ovaire.
Aussi, si ces impacts permettent de visualiser toutes choses égales par ailleurs et sous réserve des biais mentionnés supra, les établissements atteignant les nouvelles obligations, ils seront nécessairement atténués par les coopérations, recompositions et réorganisations en cours et à venir pour atteindre le niveau d’activité et de qualité exigé dans le cadre de la nouvelle réglementation.