REGARD SUR… les perturbateurs endocriniens, ces substances qui jettent le trouble dans notre système hormonal
28/09/2020
Sans que nous les soupçonnions toujours, ils se glissent dans notre environnement quotidien, dissimulés dans des objets anodins, voire dans certains aliments que nous consommons. Qu’est-ce que ces perturbateurs endocriniens ? De quoi sont-ils accusés ? Quels sont les produits coupables de les diffuser ? Et surtout, comment les éviter le plus possible ?
Retour sur la scène du crime avec Alice Desbiolles, médecin en santé publique au département Prévention de l’Institut national du cancer, pour mener l’enquête et les démasquer.
Essayons d’identifier ces suspects. À quoi ressemblent les perturbateurs endocriniens ? Où les trouve-t-on ?
Les perturbateurs endocriniens sont des molécules invisibles, on ne peut pas les voir à l’œil nu. Ils sont présents dans de très nombreux produits qui font partie de notre quotidien. Ils peuvent se trouver dans les aliments, au travers des résidus de pesticide ou de certains additifs alimentaires. Mais on peut aussi les retrouver dans des contenants alimentaires, des jouets, des ustensiles de cuisine, des cosmétiques, des produits ménagers ou d’entretien, etc.
Pourquoi les appelle-t-on « perturbateurs endocriniens » ?
On les appelle des perturbateurs endocriniens parce qu’ils viennent perturber notre système hormonal, aussi appelé système endocrinien, dont le bon fonctionnement est essentiel à notre équilibre.
Pour en savoir plus sur le système endocrinien et son rôle dans le fonctionnement de notre organisme.
Les perturbateurs endocriniens sont-ils vraiment dangereux pour notre santé ?
Comme leur nom l’indique, ils “perturbent” de nombreuses fonctions de notre corps. Les preuves de leur impact sur la santé varient selon les substances. Pour certaines d'entre elles, des perturbations de notre fonction reproductive ont été prouvées (en induisant une puberté précoce ou une baisse de la fertilité, notamment chez les garçons). Elles peuvent aussi favoriser le diabète, l’obésité et certains cancers ! Aucune conclusion n’est généralisable à tous les perturbateurs endocriniens mais plusieurs de ces substances ont un effet cancérogène « avéré » ou « suspecté » pour l’homme. Les perturbateurs endocriniens représentent donc un vrai danger pour notre santé.
Pour en savoir plus sur les risques sur notre santé.
Parmi toutes ces perturbations dans lesquelles ils sont impliqués, quelles sont les plus courantes ?
Sur la santé humaine, on surveille majoritairement les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé reproductive (puberté précoce, qualité du sperme chez l’homme, ou encore le cancer du testicule).
Cela vaut pour la santé humaine. On les accuse aussi de provoquer des effets toxiques sur les animaux. Cette accusation est-elle justifiée ?
Oui, les effets des perturbateurs endocriniens sont bien documentés également chez les animaux, quelle que soit leur taille. Les effets sont perceptibles sur les poissons, les reptiles, les oiseaux, etc. L'effet de perturbation endocrinienne est observé aussi bien chez l’humain que chez l’animal. Il existe notamment des anomalies comportementales chez des oiseaux, un hermaphrodisme chez certains amphibiens, la féminisation de populations de poissons…
Y a-t-il un risque si nous mangeons ces animaux « contaminés » par des perturbateurs endocriniens ?
La consommation d’animaux « contaminés » contribue à imprégner notre corps à ces substances polluantes. Or celles-ci peuvent avoir des effets néfastes sur notre santé comme nous l’avons vu. Pour guider nos choix de consommation, par exemple de poissons, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a notamment émis des recommandations. Cette agence de l’État est notamment chargée d’évaluer et d’identifier les substances à caractère perturbateur endocrinien.
Peut-on aussi être exposé à des perturbateurs endocriniens via des produits que nous ne mangeons pourtant pas ?
On peut tout à fait être exposé à des perturbateurs endocriniens par d'autres voies que l'alimentation. Et cela de plusieurs façons :
- nous pouvons les respirer. En effet, l’air, notamment intérieur, peut être pollué avec des perturbateurs endocriniens qui proviennent, par exemple, du mobilier, particulièrement lorsqu’il est neuf, qu’il soit en bois récemment verni, en plastique ou en PVC, ou d’autres objets diffusant des perturbateurs endocriniens. On n’y pense pas forcément mais les jouets en plastique, les ustensiles de cuisine en silicone, les moquettes, les peintures, les revêtements de sol, certains habits, peuvent diffuser dans l’air des perturbateurs endocriniens ;
- l’imprégnation peut également se faire par la peau. Comme je le disais, les produits cosmétiques conventionnels peuvent contenir des perturbateurs endocriniens que nous appliquons sur notre corps ;
- nous pouvons aussi les ingérer s’ils sont présents dans les contenants alimentaires que nous utilisons : yaourts, conserves, barquettes en plastique, bouteilles d’eau, revêtement des instruments de cuisson comme le téflon, etc. Les perturbateurs endocriniens migrent des contenants alimentaires vers l’aliment. Il n’est donc pas nécessaire de manger ou de boire des aliments qui en contiennent initialement pour être imprégné par ces perturbateurs endocriniens.
On entend souvent que les contenants alimentaires doivent être chauffés pour que cette imprégnation ait lieu. Est-ce toujours le cas ?
La chaleur altère la composition du plastique et va ainsi favoriser la migration des perturbateurs endocriniens vers les aliments. L'Anses a émis des recommandations pour réduire cet effet.
Cependant, la chaleur n’est pas le seul vecteur de migration des contenants vers le contenu. Les huiles, par exemple, sont beaucoup plus propices à être imprégnées par les perturbateurs endocriniens contenus dans les plastiques. Les perturbateurs endocriniens sont en effet lipophiles : ils ont une appétence pour les matières les plus grasses. Ils s’y fixent et y restent plus facilement. D’ailleurs, pour stocker son huile, mieux vaut privilégier des contenants neutres comme le verre !
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Doit-on se passer d’eau du robinet, parfois accusée de contenir des pesticides ?
Non, pas du tout. Il faut savoir que l’eau du robinet est l’un des aliments les mieux contrôlés en France. Dans la plupart des grandes villes et des villes moyennes de France, l’eau est de très bonne qualité. Certaines villes et certains arrondissements de Paris bénéficient même d’une eau de source.
En revanche, dans les plus petites communes ou les villes rurales situées près des zones agricoles, il peut être pertinent de vérifier la qualité de l’eau auprès de sa mairie, sur le site internet de la Ville ou directement à la mairie. Ces données sont accessibles pour toutes les communes en France. Il est aussi possible de consulter en ligne le détail des résultats du contrôle sanitaire réalisé sur l’eau potable de sa commune sur le site du ministère en charge de la Santé.
Par ailleurs, les bouteilles en plastique étant par définition composées de molécules avec un effet de perturbation endocrinienne suspectée ou avérée, la consommation d’eau du robinet limite l’exposition à ces substances.
Investigation faite, les perturbateurs endocriniens auraient un effet toxique même à faible dose. Sait-on à partir de quelle quantité de substances ?
Effectivement, les perturbateurs endocriniens peuvent avoir un effet même à faible dose. C’est ce qui caractérise leur mode d’action. Il n’y a pas ce que l’on appelle d’effet dose : un effet qui serait lié à la dose.
De très faibles doses peuvent donc suffire à perturber l’activité des hormones de notre corps. Pour rappel, ces hormones naturelles agissent elles aussi à de très faibles doses.
Est-ce qu’il y a des catégories de la population ou des tranches d’âge, plus exposées que d’autres aux perturbateurs endocriniens ?
Nous sommes tous exposés aux perturbateurs endocriniens. Cependant, les enfants en bas âge subissent une exposition plus forte à travers les nombreux objets qu'ils portent à leur bouche. Ce geste conduit à une accumulation de perturbateurs endocriniens dans leur corps par ingestion.
D'autre part, nous sommes également plus sensibles à certaines périodes de notre vie, notamment lorsque nous sommes à l’état de fœtus. L’enfant à naître est plus vulnérable. Mais les enfants en bas âge et jusqu’à la puberté restent sensibles. Pourquoi cette période de la vie ? Parce que le corps est en croissance et en transformation. Nos cellules sont alors plus vulnérables.
Il faut donc être tout particulièrement vigilant à l’exposition aux perturbateurs endocriniens durant la période dite des « 1 000 jours ». Cette période qui commence au début de la grossesse et se termine aux deux ans de l’enfant est un moment clé. C’est le moment où les humains sont les plus fragiles et donc d’autant plus sensibles à leur environnement.
Pour aller plus loin : le site Agir pour bébé de Santé publique France.
Pour réduire votre exposition aux perturbateurs endocriniens, nos conseils de santé publique.
Combien existe-t-il de perturbateurs endocriniens suspectés ? Les connaît-on tous ?
Ils existent de très nombreux perturbateurs endocriniens. Sans doute plusieurs milliers !
La nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens prévoit la publication par l'Anses d’une liste actualisée des perturbateurs endocriniens reconnus, dans les prochains mois, et de délivrer une meilleure information au public notamment via une campagne de sensibilisation sur les risques liés à l’utilisation de certains produits chimiques.
Quels sont les perturbateurs endocriniens les plus fréquents dans notre quotidien ?
Les plus fréquents sont les bisphénols, les phtalates, les perfluorés, ou encore les parabens, qu’on retrouve dans de nombreux produits et objets du quotidien.
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Agissent-ils seuls ?
Oui et non. De par notre mode de vie, nous sommes imprégnés par de nombreuses substances différentes. Dans notre organisme, ces perturbateurs endocriniens peuvent agir ensemble, de façon combinée. C’est ce qu’on appelle l’effet cocktail, c’est-à-dire un effet pluriel de différentes substances mélangées ensemble : elles peuvent avoir des effets de potentialisation, c’est-à-dire avec des effets accrus, de synergies ou même d’antagonismes (bloquer leurs actions respectives).
Existe-t-il des perturbateurs endocriniens présents naturellement dans notre environnement, qui ne soient pas issus de l’activité humaine ?
Oui, il existe des perturbateurs endocriniens naturels même s’ils sont très peu nombreux. Le soja, par exemple, est l’un des plus courants.
Les perturbateurs endocriniens seraient donc un mal moderne ?
On peut dire ça. En tout cas, ils sont liés à notre mode de vie et à notre mode de consommation.
Concrètement, quelles ont été les actions conduites par les pouvoirs publics pour réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens ?
Pour en savoir plus sur les actions menées par les pouvoirs publics pour réduire les expositions.
Pour aller plus loin :
- Nos conseils pour réduire son exposition aux perturbateurs endocriniens
- Le site web pour accompagner les futurs et jeunes parents : Agir pour bébé
- Pour plus de précisions sur les études en cours, consulter notre fiche repère et le chapitre « Mesure de l’exposition de la population »