Alcool : repérer les consommateurs à risque

La consommation de boissons alcoolisées représente la deuxième cause de mortalité évitable par cancer après le tabac. Elle est responsable de 28 000 nouveaux cas de cancer par an (8% des cancers). La réduction des niveaux de consommation d’alcool en France est un levier important de prévention des cancers. Les professionnels de santé jouent ainsi un rôle essentiel dans le repérage des consommations, l’établissement d’un dialogue avec leurs patients, le rappel des repères de consommation à moindre risque et l'orientation lorsqu’un accompagnement est nécessaire.

Cet accompagnement est également nécessaire dans une démarche de prévention après un diagnostic de cancer (prévention tertiaire).

Pour les patients atteints de cancer, il est important d’évaluer leur consommation d’alcool.

Hiérarchie des risques de cancer

Bien qu'elle soit en baisse depuis les années 1960, la consommation de boissons alcoolisées en France demeure l'une des plus élevées d’Europe. En 2020, les volumes d’alcool consommés sur le territoire français restent orientés à la baisse, même si, dans la continuité d’une tendance engagée en 2006, la diminution est devenue assez faible. La proportion de la population indiquant boire quotidiennement, qui avait fortement chuté au cours des années 2000, a cessé de diminuer au cours des années 2010, ce qui marque une rupture forte avec la tendance antérieure de baisse continuelle

Consommation d’alcool et risque de cancers

La relation entre l'alcool et les cancers est scientifiquement établie quel que soit le type de boisson alcoolisée consommée, le facteur cancérogène étant l'éthanol qu'elles contiennent toutes. 

Certains mécanismes sont communs à plusieurs localisations de cancers. Le plus important d’entre eux est la production de métabolites génotoxiques à partir de l’éthanol. D’autres mécanismes semblent plus spécifiques de certaines localisations, par exemple :

  • l’acétaldéhyde contenu dans les boissons alcoolisées consommées, ou produit à partir de l’éthanol par les bactéries présentes localement, entre directement en contact avec les muqueuses des voies aérodigestives supérieures (VADS : bouche, pharynx, larynx et œsophage) et exercerait localement son effet mutagène ;
  • l’éthanol contenu dans les boissons alcoolisées pourrait agir localement comme un solvant et augmenter la perméabilité des muqueuses des VADS aux cancérogènes tels que le tabac, contribuant ainsi à la synergie observée entre ces deux facteurs de risque de cancers des VADS ; 
  • la consommation d’alcool augmenterait les taux d’hormones stéroïdes circulantes (œstrogènes, androgènes) et agirait sur les récepteurs hormonaux, mécanisme impliqué dans le cas du cancer du sein ;
  • une consommation régulière et élevée de boissons alcoolisées favoriserait le développement de pathologies hépatiques telles que la stéatose, l’hépatite ou la cirrhose, elles-mêmes facteurs de risque de cancer du foie.

Les résultats de méta-analyses permettent de conclure, avec un niveau de preuve élevé, à une augmentation du risque de cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'œsophage, de l'estomac, du foie, du côlon, du rectum et du sein (après ménopause) associée à la consommation de boissons alcoolisées, quel que soit leur type. Le cancer du sein est la localisation de cancer la plus fréquemment associée à la consommation d’alcool en France avec plus de 8 000 nouveaux cas en 2015.

Une augmentation du risque dose-dépendante

Le risque augmente avec la dose totale d’alcool consommée par jour. Pour certaines localisations (sein, œsophage), cette augmentation est significative dès la consommation moyenne d'un verre par jour : il n'existe pas d'effet de seuil en-deçà duquel boire de l'alcool ne présente aucun risque. La relation dose-réponse peut être, selon les localisations, soit linéaire (cancer du sein, par exemple) soit non linéaire (cancers du côlon-rectum, du foie, de l’œsophage, de l’estomac).

On estime que 41 000 décès seraient attribuables à l'alcool en 2015 en France, dont 30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes, avec 16 000 (près de 10 %) dus à un cancer.
Une méta-analyse portant sur 28 millions de personnes entre 1990 et 2016, publiée dans le Lancet en 2018, a montré qu’un seul verre par jour suffit à augmenter le risque de développer l'un des 23 problèmes de santé associés à l'alcool. Cela signifie qu’il n’y a pas d’effet protecteur de l’alcool à faible dose.

Consommation de boissons alcoolisées chez les patients atteints de cancer

Les analyses montrent que, par rapport aux faibles consommateurs de boissons alcoolisées, les forts consommateurs au diagnostic d’un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS) ont un risque de second cancer primitif augmenté de 60 % (tous sites confondus).

Le risque d’avoir un nouveau cancer des VADS est multiplié par 3. Pour ces patients, il est recommandé d’éviter toute consommation d’alcool. 

Pour les autres patients, il est recommandé de limiter la consommation d’alcool.

Quels repères de consommation donner ?

Il est recommandé, pour limiter les risques sur la santé, de limiter sa consommation à 10 verres par semaine, autrement dit : « 2 verres par jour maximum et ne pas consommer d’alcool tous les jours ».

Le verre standard contient 10 grammes d’alcool pur. Il y a donc autant d'alcool dans un verre de vin que dans une chope de bière standard (25 cl) ou un fond de whisky.

Le rôle des professionnels de santé : repérer et aider

Les professionnels de santé ont un rôle essentiel à jouer pour repérer les consommateurs à risque et orienter les patients demandant une aide pour arrêter. Ce repérage accompagné d’une aide à l’arrêt ou à la réduction peut limiter tous les types de dommages liés à l'alcool, puisque la majorité d'entre eux surviennent chez des personnes non-alcoolo-dépendantes.

En repérant la consommation d'alcool chez vos patients, vous avez la possibilité de les informer des risques liés à une alcoolisation excessive. Si celui-ci est dépendant, vous pouvez l'orienter vers d'autres intervenants.

Un outil d’aide au repérage précoce et à l'intervention brève concernant l’alcool, édité par Santé Publique France, permet de vous aider, dans votre pratique courante, à évaluer la consommation de votre patient, lui proposer une intervention brève et assurer un accompagnement.

Orientation des patients

Les unités de soins ambulatoires :

  • Les Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) regroupent des médecins, des psychologues et des travailleurs sociaux spécialisés en addictologie.
    Consulter la liste des CSAPA
  • Les consultations hospitalières d'alcoologie (ou d'addictologie) sont souvent adossées à un service d'hépato-gastro-entérologie ou de psychiatrie.

Les unités hospitalières :

  • Les unités hospitalières d'alcoologie (ou d'addictologie) sont soit des services autonomes, soit des unités intégrées dans des services hospitaliers. Elles proposent des prises en charge spécifiques à des patients dont l'état nécessite une hospitalisation pour un sevrage.
  • Les « postcures » : une « postcure » est un séjour de plusieurs semaines dans un établissement spécialisé. Elle assure la transition entre l'hospitalisation pour sevrage et le retour au domicile, et assure un suivi médical, un soutien psychologique, éducatif et social.

Pour obtenir les coordonnées des structures spécialisées proches de chez votre patient, consultez le site Alcool Info Service.

Les personnes qui le souhaitent peuvent aussi bénéficier d'une écoute et d'un soutien à distance, par le dispositif Alcool Info Service qui se compose :

  • d'une ligne téléphonique où les écoutants apportent une réponse anonyme et confidentielle à toutes les personnes concernées directement ou indirectement par l'alcool. Elle peut également aider à trouver un professionnel ou une structure spécialisée. Contact : 0980 980 930 (de 8h à 2h, 7jours/7, appel non surtaxé) ;

    d’un site internet Alcool Info Service qui permet de poser des questions, par chat ou par mail, auxquelles des professionnels répondront sous 48 heures. Ces réponses sont consultables par tous mais elles peuvent être rendues confidentielles si la situation est délicate ou à la demande de l'auteur de la question.


Nutrition et prévention des cancers

Nutrition et prévention des cancers (décembre 2019)
Date de publication décembre 2019

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